Poème lu par l’auteur devant la statue de Montcalm, à
Québec, le 16 octobre 1911.
Tout près d’ici, tout près du sol que nous foulons,
Altier comme Québec debout sur sa falaise,
Plein du feu des Klébers et des Timoléons,
En voulant rallier ses fougueux bataillons,
Montcalm tomba, frappé par une balle anglaise.
Montcalm tomba, vaincu par le destin jaloux ;
Mais sa défaite fut glorieuse et féconde,
Et son nom, radieux et caressant pour nous,
Et que nous devrions répéter à genoux,
Comme un flambeau divin luit pour le Nouveau-Monde.
Oui, sa défaite fut féconde sous nos cieux,
Et le sang qu’il versa dans la plaine voisine,
Ô miracle ! baigna tout le sol des aïeux,
Y fit croître et fleurir des rejetons nombreux,
Dont nul soc meurtrier n’atteindra la racine.
Oui, grâce à sa valeur, grâce à son dévoûment,
Le fier triomphateur respecta notre race,
Et, sous le sceptre anglais, nous portons hardiment,
Pour repousser l’entrave et l’asservissement,
La loyauté pour lance et la foi pour cuirasse.
La gloire de Montcalm ignore tout déclin.
Toujours elle grandit, comme croît la lumière,
Comme dans un ciel pur le soleil du matin,
A mesure qu’il monte à l’horizon lointain,
Verse plus de rayons éclatants à la terre.
Et tant que vers la mer le fleuve souverain,
Qui vit combattre et choir l’immortel capitaine,
Roulera ses flots d’or, forte comme l’airain
Qui nous montre aujourd’hui son front vaste et serein,
Sa mémoire vivra dans l’âme canadienne.
Son premier revers fut un suprême succès ;
Et, quand on le coucha dans le sol qu’une bombe
Avait ouvert non loin d’un bastion français,
Le feu d’une rancœur séculaire à jamais
S’ensevelit avec le guerrier dans sa tombe.
Tel Wolfe terrassé dans l’âpre engagement
Qui décidait du sort d’un peuple à la mamelle,
Par sa mort Montcalm a, sous notre firmament,
Commencé l’union qui lie étroitement
La puissante Albion à la Gaule immortelle.
Et, pendant que, pieux, monte vers le héros
L’hommage de la vieille et fière capitale,
Peut-être les vaillants et glorieux rivaux
Cherchent-ils, réveillés en leurs sombres caveaux,
A se serrer la main dans l’ombre sépulcrale.
Il semble que l’un d’eux nous dise en ce moment :
― Puisque Dieu veut qu’ici des races étrangères
D’un empire nouveau jettent le fondement,
Formez, mariant l’or pur au pur diamant,
De deux peuples naissants un grand peuple de frères !
Sentant couler en vous le sang noble et fécond
Que prodiguèrent, pleins d’une ardeur sans rivale,
Les hardis descendants du Franc et du Saxon,
Efforcez-vous, les yeux sur le même horizon,
De cimenter partout l’Entente cordiale ! ―