Tristesse

 

Le gel a flétri les rameaux
Des érables et des ormeaux
De nos bocages.
Un frisson de mort a passé.
Et le vent fauve et courroucé
Tord les branchages

Au creux des sillons assoupis
On ne voit plus tomber d’épis.
Les nids sont vides ;
Et les tyroliens ailés
Quittent nos climats désolés
Pour les Florides.

Un froid linceul voile les cieux.
Son aspect sombre et soucieux
Angoisse l’âme.
Tout est morne, onde, champ, forêt.
Et le soleil comme à regret
Donne sa flamme.

Tout semble tressaillir d’effroi.
La voix des cloches dans l’air froid
Est sourde et fausse ;
Et la feuille tombe des bois
Comme un pleur de l’œil aux abois
Sur une fosse.

Adieu les chansons du flot bleu !
Adieu les couchants d’or ! Adieu
Les matins roses !
Adieu l’enivrant gazouillis
De la brise dans les taillis !
Adieu les roses !

Plus de fleurs ! plus de chants d’oiseau !
Au fond du ravin le ruisseau
Écume et tonne.

Novembre est venu nous glacer.
Et dans mon cœur je sens passer
Le vent d’automne.

Collection: 
1912

More from Poet

  • Notre langue naquit aux lèvres des Gaulois.
    Ses mots sont caressants, ses règles sont sévères,
    Et, faite pour chanter les gloires d'autrefois,
    Elle a puisé son souffle aux refrains des trouvères.

    Elle a le charme exquis du timbre des Latins,
    Le séduisant brio du...

  • La nuit d'hiver étend son aile diaphane
    Sur l'immobilité morne de la savane
    Qui regarde monter, dans le recueillement,
    La lune, à l'horizon, comme un saint-sacrement.
    L'azur du ciel est vif, et chaque étoile blonde
    Brille à travers les fûts de la forêt profonde....

  • Derrière deux grands boeufs ou deux lourds percherons,
    L'homme marche courbé dans le pré solitaire,
    Ses poignets musculeux rivés aux mancherons
    De la charrue ouvrant le ventre de la terre.

    Au pied d'un coteau vert noyé dans les rayons,
    Les yeux toujours fixés sur...

  • C'est un après-midi du Nord.
    Le ciel est blanc et morne. Il neige ;
    Et l'arbre du chemin se tord
    Sous la rafale qui l'assiège.

    Depuis l'aurore, il neige à flots ;
    Tout s'efface sous la tourmente.
    A travers ses rauques sanglots
    Une cloche au loin se...

  •  
    À Mme C. P.

    La jeune mère, avec son fils, sur le gazon
    Du parc vient de humer la brise printanière.
    Le soleil moribond de sa lueur dernière
    Empourpre vaguement le bord de l’horizon.

    À peine le baiser du vent met un frisson
    Dans les...