En ce temps-là, Jésus était dans la Judée ;
Il avait délivré la femme possédée,
Rendu l’ouïe aux sourds et guéri les lépreux ;
Les prêtres l’épiaient et parlaient bas entre eux.
Comme il s’en retournait vers la ville bénie,
Lazare, homme de bien, mourut à Béthanie.
Marthe et Marie étaient ses sœurs ; Marie, un jour,
Pour laver les pieds nus du maître plein d’amour,
Avait été chercher son parfum le plus rare.
Or, Jésus aimait Marthe et Marie et Lazare.
Quelqu’un lui dit : « Lazare est mort. »
Comme le peuple était venu sur son chemin,
Il expliquait la loi, les livres, les symboles,
Et, comme Élie et Job, parlait par paraboles.
Il disait : « Qui me suit, aux anges est pareil.
Quand un homme a marché tout le jour au soleil
Dans un chemin sans puits et sans hôtellerie,
S’il ne croit pas, quand vient le soir, il pleure, il crie,
Il est las : sur la terre il tombe haletant ;
S’il croit en moi, qu’il prie, il peut au même instant
Continuer sa route avec des forces triples. »
Puis il s’interrompit, et dit à ses disciples :
« Lazare, notre ami, dort ; je vais l’éveiller. »
Eux dirent : « Nous irons, maître, où tu veux aller. »
Or, de Jérusalem, où Salomon mit l’arche,
Pour gagner Béthanie, il faut trois jours de marche.
Jésus partit. Durant cette route souvent,
Tandis qu’il marchait seul et pensif en avant,
Son vêtement parut blanc comme la lumière.
Quand Jésus arriva, Marthe vint la première,
Et, tombant à ses pieds, s’écria tout d’abord :
« Si nous t’avions eu, maître, il ne serait pas mort. »
Puis reprit en pleurant : « Mais il a rendu l’âme.
Tu viens trop tard. » Jésus lui dit : « Qu’en sais-tu, femme ?
Le moissonneur est seul maître de la moisson. »
Marie était restée assise à la maison.
Marthe lui cria : « Viens, le maître te réclame. »
Elle vint. Jésus dit : « Pourquoi pleures-tu, femme ? »
Et Marie à genoux lui dit : « Toi seul es fort.
Si nous t’avions eu, maître, il ne serait pas mort. »
Jésus reprit : « Je suis la lumière et la vie.
Heureux celui qui voit ma trace et l’a suivie !
Qui croit en moi vivra, fût-il mort et gisant. »
Et Thomas, appelé Didyme, était présent.
Et le seigneur, dont Jean et Pierre suivaient l’ombre,
Dit aux Juifs accourus pour le voir en grand nombre :
« Où donc l’avez-vous mis ? » Ils répondirent : « Vois. »
Lui montrant de la main, dans un champ, près d’un bois,
À côté d’un torrent qui dans les pierres coule,
Un sépulcre.
Et Jésus pleura.
Sur quoi, la foule
Se prit à s’écrier : « Voyez comme il l’aimait !
Lui qui chasse, dit-on, Satan, et le soumet,
Eût-il, s’il était Dieu, comme on nous le rapporte,
Laissé mourir quelqu’un qu’il aimait de la sorte ? »
Or, Marthe conduisit au sépulcre Jésus.
Il vint. On avait mis une pierre dessus.
« Je crois en vous, dit Marthe, ainsi que Jean et Pierre ;
Mais voilà quatre jours qu’il est sous cette pierre. »
Et Jésus dit : « Tais-toi, femme, car c’est le lieu
Où tu vas, si tu crois, voir la gloire de Dieu. »
Puis il reprit : « Il faut que cette pierre tombe. »
La pierre ôtée, on vit le dedans de la tombe.
Jésus leva les yeux au ciel et marcha seul
Vers cette ombre où le mort gisait dans son linceul,
Pareil au sac d’argent qu’enfouit un avare.
Et, se penchant, il dit à haute voix : « Lazare ! »
Alors le mort sortit du sépulcre ; ses pieds
Des bandes du linceul étaient encor liés ;
Il se dressa debout le long de la muraille ;
Jésus dit : « Déliez cet homme, et qu’il s’en aille. »
Ceux qui virent cela crurent en Jésus-Christ.
Or, les prêtres, selon qu’au livre il est écrit,
S’assemblèrent, troublés, chez le préteur de Rome ;
Sachant que Christ avait ressuscité cet homme,
Et que tous avaient vu le sépulcre s’ouvrir,
Ils dirent : « Il est temps de le faire mourir. »