L’érable nu frissonne, et de jaunes débris
Chaque sentier se couvre et chaque seuil s’encombre.
La rafale à travers les branches a des cris
Plaintifs comme le glas qui sanglote dans l’ombre.
Les bruits assourdissants croissent sous les grands bois
Agités et tordus comme une sombre houle.
Les hommes de chantier sont partis pour cinq mois,
Et le grand pin rugueux sous la hache s’écroule.
Un souffle sépulcral passe sur les vallons,
Les coteaux, les étangs, les forêts et les chaumes ;
Et quelquefois, la nuit, tout à coup nous tremblons
En croyant voir au loin errer de blancs fantômes.
Sous le soleil mourant tout est froid, sombre, amer,
Tout fuit dans l’air qui pleure et sur l’onde qui fume ;
Et les derniers hauts-bords, voyant poindre l’hiver,
Quittent nos ports glacés et plongent dans la brume.
Nul chantre ailé ne reste au bocage engourdi ;
Et, le soir, sur le ciel, qu’un rayon vague éclaire,
On voit se profiler, tourné vers le Midi,
Des canards migrateurs le vol triangulaire.
Au foyer chacun est morne, chacun est seul.
L’aspect du ciel blafard vous attriste et vous navre.
Et la neige déjà déroule son linceul
Sur l’arbre renversé ― comme sur un cadavre.
C’est le mois des douleurs, des regrets, des adieux.
Les cœurs sentent le froid des marbres mortuaires ;
Et des foules en deuil, des larmes dans les yeux,
Vont s’incliner devant les croix des cimetières.