PARFOIS, des livres morts les mots semblent vivants,
Et je ne serais pas surpris, ô bons vieux maîtres,
Si vos mots anciens, familiers ou savants,
Avaient, pareils aux traits expressifs des enfants,
Des tressaillements vifs aux rides de leurs lettres !
Les mots souffrent, ayant aussi leurs passions.
Ils tremblent de colère, ils pleurent de détresse ;
Ils déchaînent la guerre au sein des nations ;
Et les mots de Ronsard sont pleins d’affliction
Devant le sang qui coule et le bûcher qu’on dresse !
Souvent, certains d’entre eux ont des sourires fins ;
On voit réellement leur mobile figure ;
Ils ont des yeux, ils font des gestes de leurs mains ;
Et les mots de Corneille ainsi sont des Romains
Que la religion de l’honneur transfigure.
Et d’autres ont un cœur brûlant de volupté !
Pas un qui par un soir d’aveu ne s’attendrisse !
Ils sont voués au culte ardent de la Beauté ;
Et les mots de Musset ont tous, en vérité,
Un long pleur éternel qui resplendit et glisse…