Androclès

 
Quand tout me souriait encore,
Jadis, quand j’étais radieux,
Aux jours de la jeunesse, aurore
Dont on prolonge les adieux,

Du milieu de l’immense fête
Des heureux d’alors qui, joyeux,
Sceptre en main et couronne en tête,
Riaient, chantaient, mêlés aux cieux,

J’ai vu, tandis que sur la terre
Tout était faste, hymne et concert,
L’exil qui saignait, solitaire
Et terrible, dans son désert.

Je suis allé vers l’âpre grève
Où rampait le grand abattu ;
J’ai dit : je suis celui qui rêve.
Toi qui souffres, qui donc es-tu ?

Et, levant sa prunelle pleine
Du reflet lointain de Saint-Cloud,
Il m’a dit : je suis Sainte-Hélène.
Il m’a dit : je suis Holyrood.

Alors, moi, fils de nos désastres,
Attestant, devant ces douleurs,
Et la nuit qui sème les astres,
Et le jour qui sème les fleurs,

J’ai salué dans sa ruine
Le sombre maître estropié,

Et j’ai retiré son épine,
Et baisé sa plaie à son pié.

Puis dans le vent qui tourbillonne
J’ai continué mon chemin ;
Car j’étais à l’âge où rayonne
Le mystérieux lendemain.

J’ai vécu ; j’ai penché ma tête
Sur les souffrants, sur les petits.
L’azur fit place à la tempête ;
J’avais rêvé, je combattis.

Ainsi que le frère d’Électre,
Comme Jacob, — Dieu, tu le veux, -
J’ai saisi corps à corps le spectre,
Et l’ange m’a pris aux cheveux.

Je combattis pour la pensée,
Pour le devoir, pour Dieu nié,
Pour la grande France éclipsée,
Pour le soleil calomnié.

Je combattis l’ombre et l’envie,
Sans peur, sans tache à mon écu ;
Puis il se trouva, c’est la vie,
Qu’ayant lutté, je fus vaincu.

Je fus un de ceux que la foule
Donne à dévorer à l’exil.
Sur tout vaincu le dédain roule ;
Brutus est fou, Caton est vil.

La Victoire éclatant de rire
Montre Aristide à ses amants ;
Que de martyrs l’exil déchire !
Sa cage est pleine d’ossements !

Autour de moi des voix funèbres
Criaient : Cayenne ! Lambessa !
L’exil songeait dans les ténèbres ;
Quand il me vit, il se dressa.

Il vint à moi, ce noir ministre
Du sombre destin inclément.
Pendant qu’il s’avançait sinistre,
Je le regardai fixement.

Il venait ; sur la terre sombre
Son pas sonnait comme un marteau.
Maintenant il me tient dans l’ombre
Et son ongle est sur mon manteau.

Mais, au lieu d’angoisse et de peine,
J’ai le calme et la joie au cœur.
Le lion s’est mis, dans l’arène,
À lécher le gladiateur.

Collection: 
1908

More from Poet

  • Mivel ajkamhoz ért színültig teli kelyhed, és sápadt homlokom kezedben nyughatott, mivel beszívtam én nem egyszer drága lelked lehelletét, e mély homályú illatot, mivel titokzatos szived nekem kitárult, s olykor megadatott beszédét hallanom, mivel ott zokogott, mivel mosolyra lágyult szemed...

  • A lába csupaszon, a haja szétziláltan, kákasátorban ült, térdéig meztelen; azt hittem hirtelen, hogy tündérre találtam, s szóltam: A rétre, mondd, eljönnél-e velem? Szeméből rámsütött az a parázs tekintet, amely, ha enged is, szép és győztes marad, s szóltam: A szerelem hónapja hív ma minket,...

  • Olyan a szerelem, mint a gyöngyszemű harmat, amelytől fénylik a szirom, amelyből felszökik, kévéjében a napnak, szivárvány-szikra, miliom. Ne, ne hajolj reá, bárhogy vonz e merész láng, ez a vízcseppbe zárt, percnyi kis fényözön - mi távolabbról: mint a gyémánt, az közelebbről: mint a könny.

  • Pourquoi donc s'en est-il allé, le doux amour ?
    Ils viennent un moment nous faire un peu de jour,
    Puis partent. Ces enfants, que nous croyons les nôtres,
    Sont à quelqu'un qui n'est pas nous. Mais les deux autres,
    Tu ne les vois donc pas, vieillard ? Oui, je les vois,...

  • Puisque nos heures sont remplies
    De trouble et de calamités ;
    Puisque les choses que tu lies
    Se détachent de tous côtés ;

    Puisque nos pères et nos mères
    Sont allés où nous irons tous,
    Puisque des enfants, têtes chères,
    Se sont endormis avant nous ;...