IL n’est pas bon de trop se regarder agir
Ni de scruter le fond obscur de ses pensées :
Que d’œuvres chaque jour par l’esprit commencées
Dont l’intime secret force l’âme à rougir !
Marche naïvement comme un enfant candide,
Sans rechercher toujours la raison de tes pas ;
Peut-être que, honteux, tu n’avancerais pas,
Connaissant le motif ignoré qui te guide.
Rien n’est pur tout à fait dans le cœur des humains ;
Le mal originel, comme une sombre tache,
Aux plus beaux sentiments subtilement s’attache, ―
Et le poignard est dans la loyauté des mains !
Ne te regarde pas au miroir de ton âme
Accomplir doucement ton paisible destin.
Devant ton acte clair et ton désir certain
Le dégoût te prendrait de te savoir infâme !
Vis sans te croire bon, sans te craindre méchant ;
Ton amour est pareil à celui qu’on te donne.
Par la tienne, sachant la faiblesse, pardonne.
Ta voix d’ange déchu peut encore être un chant.
L’homme est fourbe, orgueilleux, imparfait, misérable ;
Sur son fumier, le rêve éclot comme une fleur :
Respire son arome, admire sa couleur,
Et rends grâce à jamais au rêve secourable
S’il te fait oublier quel mal ronge ton cœur !