NOËL ! — En voyant, dans ses langes
L’enfant radieux que tu fus,
On m’a raconté que les anges
Ont cru voir renaître Jésus.
De l’azur déchirant les toiles,
Ils volèrent du fond des cieux,
A leur front portant des étoiles,
Des fleurs dans leurs bras gracieux.
Devant ton seuil fermant leur aile
Ils chantèrent si doucement
Qu’on eût dit une tourterelle
Qui soupire après son amant.
Et, le long de ta porte close,
Ils laissèrent, en s’en allant,
Le cœur entrouvert d’une rose,
L’urne penchante d’un lys blanc.
On les porta près de ta couche
Sans savoir qui te les offrit ;
La rose resta sur ta bouche
Et sur ton sein le lys fleurit.
Leurs âmes, des cieux exilées,
Demeurèrent dans l’air charmé
Et, de leurs haleines mêlées,
Se fît ton souffle parfumé.
Ensuite vinrent les Rois Mages
Par le vol des anges trompés,
Pour t’offrir aussi leurs hommages
Dans des coffrets enveloppés.
Barbus comme des patriarches
Et mis comme des nécromans,
Ils déposèrent sur les marches
Des perles et des diamants.
A ton berceau des mains portèrent
Pour toi ces bijoux précieux ;
Les perles à tes dents restèrent
Et les diamants dans tes yeux.
Moi, je ne suis que l’humble pâtre
Après les Anges et les Rois
Qui vient s’agenouiller à l’âtre.
Une fleur morte entre les doigts !
25 décembre 1882.