Musique

 

J’ADORAIS la musique autrefois : j’ai changé ;
Je préfère aujourd’hui le rythme du silence.
Je sens en moi grandir une âme d’étranger
Que trouble et que distrait la sonore cadence.

Comme une pierre en l’eau jetée, où le ciel luit,
Brouille la vision de l’image sereine,
Les sons harmonieux sont des cailloux de bruit
Dans le beau lac de paix dont mon âme fut pleine !

O vrai Musicien, ô Silence profond !
Calme charmeur de mélodie universelle,
Sur ton autel, je brûlerai le violon
Et le si grave et le si doux violoncelle !

Car tout ce qui te chasse, ô Silence, est mauvais,
Hors la parole humaine et le chant solitaire ;
Et c’est toi qui, dans les temps anciens, t’élevais,
O Silence, premier orchestre de la terre !…

                                                    * * *

Parlez-moi. Votre voix pleine de mots muets
M’enchante ; je comprends surtout ce qu’elle cache.
Laissez au piano dormir ces menuets,
Et rêvons : il n’est rien de meilleur, que je sache…

Collection: 
1898

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