Matutina

 
I

LE bleu du ciel pâlit. Comme un cygne émergeant
D’un grand fleuve d’azur, l’Aube, parmi la brume,
Secoue à l’horizon les blancheurs de sa plume
Et flagelle l’air vif de son aile d’argent.

Un long tressaillement autour d’elle s’éveille,
Et, par flots onduleux jusqu’au zénith monté,
Dans l’azur transparent déroule la merveille
Des formes qu’envahit sa vibrante clarté.

La grande mer des bruits dans l’atmosphère élève
Les retentissements de son flux solennel
Et bat, sans l’ébranler, comme un roc éternel,
Le lourd sommeil des morts endormis dans leur rêve.

Mais, pareil aux roseaux qu’atteint le flot montant,
Le peuple des vivants s’ébranle dans l’espace,
Et, couché sous le poids de la vague qui passe,
Vers des buts inconnus se disperse, flottant.

Cependant qu’aux frissons des brises échappée,
La Terre s’alanguit aux tiédeurs du réveil,
De longs éclairs, pareils à des lueurs d’épée,
Creusent, à l’orient, leur sillage vermeil.

Alors l’Oiseau divin, le Cygne, l’Aube blanche,
Sentant dans l’air en feu son âme se sécher,
Comme le vieux Phénix sur la flamme se penche
Et meurt dans le Soleil comme sur un bûcher !

II

DE l’horizon perdu dans les frissons de l’air,
Comme un fleuve lacté, la lumière s’épanche
Sur les coteaux légers que baigne son flot clair ;
— L’Aube sur les coteaux traîne sa robe blanche,

Les grands arbres, sentant les oiseaux éveillés,
Chuchotent dans la brise errante où s’évapore
L’âme des derniers lis par la nuit effeuillés :
— L’Aube sur la forêt pose son pied sonore.

Sur l’herbe drue où court l’insecte familier
Une gaze de longs fils d’argent s’est posée,
Et la bruyère aiguë est pleine de rosée :
— L’Aube sur les gazons égrène son collier.

— Dans le ruisseau que l’Aube effleure de ses voiles,
Se réfléchit déjà le doux spectre des fleurs,
Et, sous l’onde où tremblait l’œil furtif des étoiles,
S’ouvre l’œil alangui des pervenches en pleurs.

Collection: 
1857

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