L’interminable hiver tente un dernier effort,
Pour enfouir la terre et refroidir l’espace :
Sous le souffle effréné de l’ouragan du nord
De plus en plus la neige en tourbillons s’entasse.
Et cette blanche mer déferle dans le vent
Par-dessus les taillis aux branches dénudées.
Les chars dans les ravins comblés bloquent souvent
Sous l’amoncellement continu des bordées.
L’air glacial est lourd de morbides vapeurs.
Nous sortons peu. Le Soir près du feu nous rassemble ;
Et les vieux dolemment racontent là des peurs
Qui font frémir l’enfant, blêmir l’aïeul qui tremble.
La cruelle saison sème au hasard les deuils.
Pour les hôtes des bois partout se cache un piège,
Et le braconnier traque orignaux et chevreuils
Aveuglés du grésil, empêtrés de la neige.
Tout souffre, hommes, bétail ; tout pleure, arbres, échos.
Dans son grenier gémit le pauvre, maigre et pâle,
Et l’on croit par moment entendre ses sanglots
À travers les cent bruits de la bise qui râle.
L’aurore ne luit plus sur les monts sourcilleux.
Rien ne fait pressentir la fin des jours livides.
Et si parfois un coin d’azur émerge aux cieux,
L’hiver croule à flots plus drus sur les Laurentides.
Mais de même qu’après le déluge, un matin,
L’arc-en-ciel rayonna dans sa splendeur première,
Le clair soleil pascal, qu’on croyait presque éteint,
Demain va tout dorer de sa blonde lumière.