Sur le Fleuve ruisselle une lumière chaude,
Et l’immuable azur sourit au flot mouvant.
Le feuillage tressaille aux caresses du vent.
Où le givre brillait rayonne l’émeraude.
Le vallon redevient un coin du paradis.
Tout scintille, tout chante et tout s’idéalise,
Et le merle, amoureux, nuit et jour vocalise
Sous le dais ondoyant des bosquets reverdis.
La ramure se lustre et la vague s’irise.
L’air est lourd du parfum capiteux des lilas.
Du ruisseau, que figeaient glace, neige et verglas,
Des trils d’harmonicas s’envolent dans la brise.
Le Nord laurentien lui comme le Midi ;
Nos eaux ont tout l’éclat des miroirs de Venise,
Et les palais flottants, que heurta la banquise,
Reviennent sillonner leur cristal attiédi.
Le soc d’acier, tranchant et clair comme le glaive,
Rouvre l’âpre jachère où dormaient les grillons,
Et des guérets fumants, inondés de rayons,
Vers l’ostensoir des cieux un encens d’or s’élève.
Sous l’étincellement du plus riant des mois
L’âme s’émeut, le spleen s’enfuit, le sport s’agite,
Et sur des lacs lointains, où foisonne la truite,
Les pêcheurs joyeux font merveille au cœur des bois.
Et la brise, frôlant les grands flots de turquoise,
Nous apporte la voix mâle des gais flotteurs
Qui, sur leurs longs radeaux aux sauvages senteurs,
Chantent à plein gosier : C’est la belle Françoise.