Les Tourterelles

Les Tourterelles

Et voy ces deux colombelles,
Qui font naturellement,
Doucement,
L’amour du bec et des ailes.
Ronsard.


Cependant qu’étrangère à la nature en fête,
Elle rêvait sans but sur sa couche défaite,
Le soleil frissonnait sur l’or et les damas ;
Le doux air de l’été, qui chasse les frimas,
Chargé de la couleur et du parfum des roses,
Entrait, et redonnait la vie à mille choses.
Le vin était de pourpre, et les cristaux de feu.
Alors, comme, en jouant, deux cygnes d’un lac bleu,
Comme deux lys jumeaux que leur beauté protège,
D’un vol silencieux, deux colombes de neige
Franchirent l’azur vaste et vinrent se poser
Sur la fenêtre ouverte, et dans un long baiser

Se becqueter sans fin en remuant les ailes.
Or, la douce beauté, voyant ces tourterelles,
(Tandis que de la mousse et des feuillages verts
S’exhalaient alentour mille parfums amers,)
Laissait, l’âme enivrée à la brise fleurie,
Dans le bleu de l’amour errer sa rêverie.
Dis-moi, que faisais-tu loin d’elle, ô bel enfant !
Tandis que sur son col et sur son dos charmant
Couraient à l’abandon ses tresses envolées,
Que faisais-tu, perdu sous les longues saulées,
Et que te disaient donc, ô timide rêveur !
Les brises de l’été si pleines de saveur ?

Collection: 
1843

More from Poet

  • Par le chemin des vers luisants,
    De gais amis à l'âme fière
    Passent aux bords de la rivière
    Avec des filles de seize ans.
    Beaux de tournure et de visage,
    Ils ravissent le paysage
    De leurs vêtements irisés
    Comme de vertes demoiselles,
    Et ce refrain...

  • Italie, Italie, ô terre où toutes choses
    Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
    Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses
    Des sorbets à la neige et des ballets divins !

    Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
    Voici qu'on pense à toi,...

  • A travers le bois fauve et radieux,
    Récitant des vers sans qu'on les en prie,
    Vont, couverts de pourpre et d'orfèvrerie,
    Les Comédiens, rois et demi-dieux.

    Hérode brandit son glaive odieux ;
    Dans les oripeaux de la broderie,
    Cléopâtre brille en jupe fleurie...

  • Grâces, ô vous que suit des yeux dans la nuit brune
    Le pâtre qui vous voit, par les rayons de lune,
    Bondir sur le tapis folâtre des gazons,
    Dans votre vêtement de toutes les saisons !
    Et toi qui fais pâmer les fleurs quand tu respires,
    Fleur de neige, ô Cypris ! toi...

  • Eh bien ! mêle ta vie à la verte forêt !
    Escalade la roche aux nobles altitudes.
    Respire, et libre enfin des vieilles servitudes,
    Fuis les regrets amers que ton coeur savourait.

    Dès l'heure éblouissante où le matin paraît,
    Marche au hasard ; gravis les sentiers les...