O Toi dont nul mortel n’a soulevé les voiles,
Dont nul porteur de Dieux, nul ravisseur d’étoiles
N’a vu frémir encor la vierge nudité,
Vers qui, du fond des temps, monte, jamais lassée,
Par l’ouragan des jours, comme un aigle, bercée,
Toute notre espérance avec notre pensée,
Unique et multiforme et sainte Vérité !
Ne descendras-tu pas de ton trône de gloire,
En quelque nuit où des planètes de victoire
Palpiteront comme l’écume de la mer,
Où ton temple intégral, des assises au faîte,
Te redira, sous ses lampadaires de fête,
Et l’angoisse du monde et les chants du prophète,
Par les gueules du bronze et les bouches du fer,
Où les foules, battant sous la houle des astres,
Encombrant l’arcature aux terribles pilastres
Des pourpres équateurs et des septentrions,
De leurs millions de voix acclamant ta venue,
Jetteront, dans l’accent de quelque hymne inconnue,
Vers l’arche de flamme où dort ta majesté nue,
Ce que, depuis les jours, seuls vers toi nous crions ?
Ne surgiras-tu pas comme une destinée,
Belle ainsi qu’une mère aux bras blancs, inclinée
Sur la détresse humaine à tes pieds vagissant,
Et ta pitié clémente enfin cèdera-t-elle
Au seul désir divin par qui soit immortelle,
Sous l’armure de chair où notre cœur pantèle,
La rouge argile vive où naît la fleur du sang ?
Tu nous apparaîtras, fulminante et parée
De la seule splendeur de ton aube sacrée ;
Les soleils flamboieront comme des signes lus,
Les chevaux de l’éclair retiendront leur haleine,
L’ombre, attentive enfin aux heures qu’elle égrène,
Un instant cessera de marcher dans la plaine,
Pour fixer la seconde où l’inconnu n’est plus.
Et, tombant sous tes pas en ondes élargies
Qu’alourdit le secret de toutes les magies,
Les nuages jaloux qui te gardent encor
De l’épreuve toujours promise à nos prunelles,
Te livrant à nos mains saintement criminelles,
Traceront, autour de tes lignes éternelles,
Le nimbe fulgurant d’un zodiaque mort.
Alors, selon des lois qui seront tes servantes,
O force harmonieuse en tes phases mouvantes,
À notre vision tu te révéleras
Du gouffre intérieur à l’abîme suprême,
Fermant d’un cercle d’or l’orbe entier du problème,
Tu te fondras en nous, égalée à toi-même,
Dans l’unité parfaite où tu t’accompliras.
Alors, ô bâtisseurs de la cité des hommes,
O créateurs d’efforts, ô constructeurs de sommes,
O porteurs de flambeaux, ô porteurs de destin !
Vous verrez, sous la fuite énorme des nuées,
Vos torches, d’une vie étrange secouées,
S’animer, mariant, en gerbes dénouées,
La gloire de leurs feux aux gloires du matin,
Soit qu’au bûcher ardent des mystiques merveilles,
Vous ayiez allumé la lampe de vos veilles
Et d’un foyer caché fait luire le rayon,
Soit qu’en vos forges d’or, pour les ères rebelles,
Vos bras aient martelé des paroles nouvelles,
Tous, vous avez créé des heures éternelles,
Et tous, vous comprendrez que votre œuvre était bon.
Car la flamme dont l'âme enveloppe vos têtes,
Quelle soit arrachée aux serres des tempêtas
Et tourne sur vos fronts comme un vol de vautours,
Qu’elle soit au brasier des astres morts ravie,
Où qu’étincelle prise aux laves de la vie,
Elle brûle, à l’effort de vos mains asservie,
La flamme est toujours pure, et l'autel saint toujours.
Car toute fleur de feu que le chiffre ou l’extase
Dérobent à ce ciel innombrable, qu’embrase
L'écumante ferveur de l’océan lacté,
Est une étoile où brille, eu sa puissance entière,
Forme, idée ou pensée, esprit, souffle ou matière,
Le firmament divin comblé de ta lumière,
Unique et multiforme et sainte vérité !