Le Message de Grant

III

Ainsi, peuple aux efforts prodigieux enclin,
Ainsi, terre de Penn, de Fulton, de Franklin,
Vivante aube d'un monde, ô grande république,
C'est en ton nom qu'on fait vers l'ombre un pas oblique !
Trahison ! par Berlin vouloir Paris détruit !
Au nom de la lumière encourager la nuit !
Quoi ! de la liberté faire une renégate !
Est-ce donc pour cela que vint sur sa frégate
Lafayette donnant la main à Rochambeau ?
Quand l'obscurité monte, éteindre le flambeau !
Quoi ! dire : - Rien n'est vrai que la force. Le glaive,
C'est l'éblouissement suprême qui se lève.
Courbez-vous, le travail de vingt siècles a tort.
Le progrès, serpent vil, dans la fange se tord ;
Et le peuple idéal, c'est le peuple égoïste.
Rien de définitif et d'absolu n'existe ;
Le maître est tout ; il est justice et vérité.
Et tout s'évanouit, droit, devoir, liberté,
L'avenir qui nous luit, la raison qui nous mène,
La sagesse divine et la sagesse humaine,
Dogme et livre, et Voltaire aussi bien que Jésus,
Puisqu'un reître allemand met sa botte dessus ! -

Toi dont le gibet jette au monde qui commence,
Comme au monde qui va finir, une ombre immense,
John Brown, toi qui donnas aux peuples la leçon
D'un autre Golgotha sur un autre horizon,
Spectre, défais le noeud de ton cou, viens, ô juste,
Viens et fouette cet homme avec ta corde auguste !
C'est grâce à lui qu'un jour l'histoire en deuil dira :
- La France secourut l'Amérique, et tira
L'épée, et prodigua tout pour sa délivrance,
Et, peuples, l'Amérique a poignardé la France ! -
Que le sauvage, fait pour guetter et ramper,
Que le huron, orné de couteaux à scalper,
Contemplent ce grand chef sanglant, le roi de Prusse,
Certes, que le Peau-Rouge admire le Borusse,
C'est tout simple ; il le voit aux brigandages prêt,
Fauve, atroce, et ce bois comprend cette forêt ;
Mais que l'homme incarnant le droit devant l'Europe,
L'homme que de rayons Colombie enveloppe,
L'homme en qui tout un monde héroïque est vivant,
Que cet homme se jette à plat ventre devant
L'affreux sceptre de fer des vieux âges funèbres,
Qu'il te donne, à Paris, le soufflet des ténèbres,
Qu'il livre sa patrie auguste à l'empereur,
Qu'il la mêle aux tyrans, aux meurtres, à l'horreur,
Qu'en ce triomphe horrible et sombre il la submerge,
Que dans ce lit d'opprobre il couche cette vierge,
Qu'il montre à l'univers, sur un immonde char,
L'Amérique baisant le talon de César,
Oh ! cela fait trembler toutes les grandes tombes !
Cela remue, au fond des pâles catacombes,
Les os des fiers vainqueurs et des puissants vaincus !
Kosciusko frémissant réveille Spartacus ;
Et Madison se dresse et Jefferson se lève ;
Jackson met ses deux mains devant ce hideux rêve ;
Déshonneur ! crie Adams ; et Lincoln étonné
Saigne, et c'est aujourd'hui qu'il est assassiné.

Indigne-toi, grand peuple. O nation suprême,
Tu sais de quel coeur tendre et filial je t'aime.
Amérique, je pleure. Oh ! douloureux affront !
Elle n'avait encor qu'une auréole au front.
Son drapeau sidéral éblouissait l'histoire.
Washington, au galop de son cheval de gloire,
Avait éclaboussé d'étincelles les plis
De l'étendard, témoin des devoirs accomplis,
Et, pour que de toute ombre il dissipe les voiles,
L'avait superbement ensemencé d'étoiles.
Cette bannière illustre est obscurcie, hélas !
Je pleure... - Ah ! sois maudit, malheureux qui mêlas
Sur le fier pavillon qu'un vent des cieux secoue
Aux gouttes de lumière une tache de boue !

Collection: 
1822

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