La Noctuelle

 

À VICTOR CAPOUL

On l’appelait la noctuelle pour
ce qu’elle errait, chaque nuyct,
blanche et eschevellée.
(Vieux conte toulousain.)

AU blanc soleil de minuit
Qui semait d’argent la grève
Elle allait, pâle et sans bruit.
Le front perdu dans un rêve.
Des genêts d’or s’effeuillaient
Et les vers luisants brillaient
Sur sa route habituelle.
L’onde claire des étangs
Baisait ses cheveux flottants.
— On l’appelait la noctuelle.

Où vas-tu, sauvage enfant,
Par ces routes ignorées ?
— Je vais où souffle le vent
Des amours désespérées.
Car, apprends-le, je t’aimais !
Je ne te l’ai dit jamais,
Ma peine était trop cruelle !
Mais puisque tu pars demain,
Ami, donne-moi ta main.
— Adieu donc pauvre noctuelle !

Je revins longtemps après,
Las du monde où l’on oublie
Sûr que je la reverrai
Plus aimante et plus jolie.
L’âme des anges s’enfuit
Vers les cieux profonds où luit
Une aube perpétuelle.
La nuit, la mer et les bois
M’ont dit, pleurant à la fois :
— Elle est morte la noctuelle !

Collection: 
1857

More from Poet

... C'est qu'ils portent en eux, les arbres fraternels,
Tous les débris épars de l'humanité morte
Qui flotte dans leur sève et, de la terre, apporte
A leurs vivants rameaux ses aspects éternels.

Et, tandis qu'affranchis par les métamorphoses,
Les corps brisent...

 
Parlez, terrestres voix, chant nocturne des choses,
Des langues à venir chuchotement lointain,
Cris des enfantements, chœur des métamorphoses,
Dernier adieu des morts dont la forme s’éteint ;

Bruit des déchirements sans fin de la Matière,
Lent et...

 
SOUS la calme splendeur de son front ingénu
Quelle pensée habile ou quel rêve sommeille ?
On croirait voir encor sur sa bouche vermeille
Un mystique sourire imprégné d’inconnu.

Le col harmonieux se dresse, pur et nu,
Sous la nuque arrondie aux gerbes d’or...

 
DANS le vieil hôtel catholique
J’aime surtout la grande cour
Où veille un fantôme de tour
Sur lequel un lierre s’applique.

Un platane mélancolique
Y garde avec un vague amour
Une urne à l’austère contour
Où dort, sans doute, une relique

...

 
LA vie est comme une colline
Dont l’aube éclaire le penchant,
Prompte à gravir et qui s’incline
Bientôt vers le soleil ...