La marguerite des près

Il est une blanche fleurette
Qui, sous les caresses de Mai,
Ouvre sa fraîche collerette
A l'œil qui s'arrête charmé.

Jeunes, son aspect nous attire ;
Vieux, il semble nous rajeunir :
Chaque âge près d'elle soupire
D'espérance ou de souvenir.

Elle n'a pas ce frais dictame,
Haleine des rosiers en fleurs,
Mais elle sait parler à l'âme,
Elle est l'interprète des cœurs.

Au désir qui la questionne,
Elle répond avec bonté :
Les pétales de sa couronne
Sont un oracle incontesté.

Chaque feuille qui, de l'attente,
Tombe victime tour-à-tour,
Devient pour l'âme palpitante,
Le thermomètre de l'amour....

De ses quinze ans Rose inquiète,
Déjà rêvant un doux aveu,
Vient demander à la fleurette
Si le beau Sylvain l'aime UN PEU.

De plus en plus son sein palpite,
Son front se penche tout à coup ;
Mais, fleur d'espoir, la Marguerite
Lui dit : Sylvain t'aime BEAUCOUP !

A vingt ans, tu peux, jeune fille,
L'interroger impunément :
A cet âge heureux, la sibylle
Dit toujours : — PASSIONNÉMENT...

Mais que la prudence t'arrête,
Ne pousse pas l'oracle à bout ;
Plus tard, tu pourrais, ma pauvrette,
Pour réponse avoir : — PAS DU TOUT.

Marguerite ! des fronts de reine
Sous ton nom se sont illustrés ;
Toi, plus modeste souveraine ,
Tu fais l'ornement de nos prés.

L'orage, au-dessus de ta tête,
Obscurcit le vaste horizon...
Mais rassure-toi, la tempête,
Respecte un trône de gazon.

De tes sœurs, orgueil du parterre,
Le règne ne dure qu'un jour ;
Mais le tien, loin d'être éphémère,
Est éternel comme l'amour !...

Collection: 
1886

More from Poet

Au déclin du jour, jeune fille,
Lorsqu'au balcon tu viens t'asseoir,
Derrière l'épaisse charmille,
Moi je me cache pour te voir.
Tendre interprète de ma flamme,
Chaque voix du soir, à son tour,
Ne vient-elle pas, ô chère âme !
En cet instant...

Seize ans vous couronnent de roses :
Toutes les grâces du printemps
Sur vos traits charmants sont écloses
Comme des bouquets éclatants.

Vous avez la rose à la joue,
Et chacune offre tour à tour
Une fraîche touffe où se joue
L’innocence près de l'amour...

O maître souverain ! Dieu de la poésie,
Dont la lyre régna sur le monde enchanté,
Tu meurs ! — Mais de ta gloire éclatante et choisie,
L'astre se lève au ciel de la postérité.

Désormais, à l'abri des retours de l'envie,
Ton nom prend un reflet d'éternelle clarté :...

Ici bas !

L'horreur règne ici bas... Dieu, tout fort qu'il se nomme,
A gémi de douleur, devenu fils de l'homme ;
Car rien n'est descendu sur ce monde odieux,
Qui ne fut teint du sang en retournant aux cieux !

L'arrêt irrévocable

Éternel...

Si de mai l'haleine envolée
Sur la vallée,
Mollement soupire et frémit,
Caressant la pelouse verte
De fleurs couverte
Nous disons : la terre sourit...

Si zéphyr, sur l'azur limpide
Des mers qu'il ride,
Baise l'ondine et la poursuit,
Tandis...