Invocation

 
O Toi que notre attente implore, évoque et nomme,
Qui, seule, peux briser l’aiguillon du trépas,
Raison libératrice, Epouse aux calmes pas
Rédemptrice vraiment, vraiment Fille de l’Homme,
Qui, ne pouvant mourir, ne ressuscites pas !

Ce jour nous luira-t-il où les astres augustes
Te verront, du parvis que les Dieux ont quitté,
Descendre, lumineuse en ta grave équité,
Pour le pardon des Saints et le rachat des Justes.
Vers les ténèbres d’or de notre Humanité ?

Où le Vaincu, dont le silence est un blasphème,
Dont la bouche a mâché de la terre et du sang
Pour un défi haineux et qu’il sait impuissant,
Affranchi de son œuvre et sauvé de lui-même,
Voudra se reconnaître en te reconnaissant ;

Où, saluant en Toi sa pensée éternelle,
Indulgente au maudit, clémente au réprouvé,
Oubliant le remord dans son rêve couvé,
Il verra resplendir sa gloire originelle
Dans l’azur reconquis de son ciel retrouvé,

Pour que s’éveille et monte aux cimes absolues
Que hante ta présence et qu’habite ta foi,
Evadée à jamais, de par ta seule loi,
De l’Enfer accepté des souffrances voulues,
L’Ame du Règne humain, transfigurée en Toi !

Collection: 
1885

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