Introduction

 
L’Esprit n’habite pas sous les confusions
D’atomes entraînés dans les métamorphoses :
— C’est la Forme, oscillant sous des vibrations,
Qui nous montre la Vie au plus secret des choses.

L’Être attend le contour pour se manifester,
Et sa source, cachée aux entrailles du monde,
Vers les frêles canaux qu’elle fait éclater
Pousse éternellement son eau vive et profonde.

Elle jaillit sous l’herbe et court sous les glaçons ;
Sève ardente, elle mord l’écorce de la Terre,
Fait monter vers l’azur la splendeur des moissons ;
Soulève la montagne et creuse le cratère.

La nature à ses jeux sans nombre s’assouplit :
Chaque accident trahit le germe qu’il recèle.
Et, comme un ruisseau court partout où s’ouvre un lit,
L’Ame vient habiter chaque forme nouvelle.

Une part de cette âme errait dans les tombeaux,
Fuyant les nœuds rompus de la chair déliée ;
Un vent mystérieux la prit à ces lambeaux,
Emportant le secret de la Forme oubliée.

Et, dans ses renouveaux étranges, inouïs,
Cette Ame des tombeaux garde, pour la pensée,
Un souvenir flottant des corps évanouis,
Comme une empreinte vague et par l’âge effacée.

Collection: 
1857

More from Poet

  • ... C'est qu'ils portent en eux, les arbres fraternels,
    Tous les débris épars de l'humanité morte
    Qui flotte dans leur sève et, de la terre, apporte
    A leurs vivants rameaux ses aspects éternels.

    Et, tandis qu'affranchis par les métamorphoses,
    Les corps brisent...

  •  
    Parlez, terrestres voix, chant nocturne des choses,
    Des langues à venir chuchotement lointain,
    Cris des enfantements, chœur des métamorphoses,
    Dernier adieu des morts dont la forme s’éteint ;

    Bruit des déchirements sans fin de la Matière,
    Lent et...

  •  
    SOUS la calme splendeur de son front ingénu
    Quelle pensée habile ou quel rêve sommeille ?
    On croirait voir encor sur sa bouche vermeille
    Un mystique sourire imprégné d’inconnu.

    Le col harmonieux se dresse, pur et nu,
    Sous la nuque arrondie aux gerbes d’or...

  •  
    DANS le vieil hôtel catholique
    J’aime surtout la grande cour
    Où veille un fantôme de tour
    Sur lequel un lierre s’applique.

    Un platane mélancolique
    Y garde avec un vague amour
    Une urne à l’austère contour
    Où dort, sans doute, une relique

    ...

  •  
    LA vie est comme une colline
    Dont l’aube éclaire le penchant,
    Prompte à gravir et qui s’incline
    Bientôt vers le soleil ...