IX
Le lion du midi voit venir l'ours polaire.
L'ours court droit au lion, grince, et plein de colère,
L'attaque plus grondant que l'autan nubien.
Et le lion lui dit : Imbécile ! c'est bien.
Nous sommes dans le cirque, et tu me fais la guerre.
Pourquoi ? Vois-tu là-bas cet homme au front vulgaire ?
C'est un nommé Néron, empereur des Romains.
Tu combats pour lui. Saigne, il rit, il bat des mains.
Nous ne nous gênions pas dans la grande nature,
Frère, et le ciel sur nous fait la même ouverture,
Et tu ne vois pas moins d'astres que je n'en vois.
Que nous veut donc ce maître assis sur un pavois ?
Il est content ; et nous, nous mourons par son ordre ;
Et c'est à lui de rire et c'est à nous de mordre.
Il nous fait massacrer l'un par l'autre ; et, pendant,
Frère, que mon coup d'ongle attend ton coup de dent,
Il est là sur son trône et nous regarde faire.
Nos tourments sont ses jeux ; il est d'une autre sphère.
Frère, quand nous versons à ruisseaux notre sang,
Il appelle cela de la pourpre. Innocent,
Niais, viens m'attaquer. Soit. Mes griffes sont prêtes ;
Mais je pense et je dis que nous sommes des bêtes
De nous entretuer avec tant de fureur,
Et que nous ferions mieux de manger l'empereur.