LE clair de lune sur la ville est endormi.
Dans le ciel ont coulé tant d’opales fondues
Qu’au loin, dans la lumière et l’ombre confondues,
Les astres éclipsés ne luisent qu’à demi.
Dans l’éblouissement, les étoiles cachées
Sont comme des yeux bleus qui regardent sans voir.
Le clair de lune règne et, conquérant du soir,
Fait un voile brillant aux étoiles cherchées
Même ses bords pâlis sont lumineux encor,
Et tant qu’il reste au ciel, de larges bandes blanches
Décorent de clarté les maisons et les branches ;
Et, cependant, le clair de lune est comme mort !
Les étoiles, qu’il cache, ont des lueurs vivantes,
Elles traversent l’infini de longs frissons ;
La lune a des reflets bleuâtres de glaçons :
Pour elle est déjà vieux le temps des épouvantes !
Le clair de lune est triste et doux, il est ancien.
Comme un grand souvenir de royauté déchue,
Il dit la gloire antique et la splendeur perdue,
Plane, et dans la nuit calme, avec lenteur, s’éteint…