Esprit juste et profond, parfait ami, vrai sage,
D’Alembert, que dis-tu de mon dernier ouvrage ?
Le roi danois et toi, mes juges souverains,
vous donnez carte blanche à tous les écrivains.
Le privilége est beau ; mais que faut-il écrire ?
Me permettriez-vous quelques grains de satire ?
Virgile a-t-il bien fait de pincer Maevius ?
Horace a-t-il raison contre Nomentanus ?
Oui, si ces deux latins, montés sur le parnasse,
s’égayaient aux dépens de Virgile et d’Horace,
la défense est de droit ; et d’un coup d’aiguillon
l’abeille en tous les temps repoussa le frelon.
La guerre est au parnasse, au conseil, en sorbonne :
allons, défendons-nous, mais n’attaquons personne.
« vous m’avez endormi » , disait ce bon Trublet ;
je réveillai mon homme à grands coups de sifflet.
Je fis bien : chacun rit, et j’en ris même encore.
La critique a du bon ; je l’aime et je l’honore.
Le parterre éclairé juge les combattants,
et la saine raison triomphe avec le temps.
Lorsque dans son grenier certain Larcher réclame
la loi qui prostitue et sa fille et sa femme,
qu’il veut dans notre-dame établir son sérail,
on lui dit qu’à Paris plus d’un gentil bercail
est ouvert aux travaux d’un savant antiquaire,
mais que jamais la loi n’ordonna l’adultère.
Alors on examine ; et le public instruit
se moque de Larcher, qui jure en son réduit.
L’abbé François écrit ; le Léthé sur ses rives
reçoit avec plaisir ses feuilles fugitives.
Tancrède en vers croisés fait-il bâiller Paris ?
On m’ennuie à mon tour des plus pesants écrits ;
à Danchet, à Brunet, le pont-neuf me compare ;
on préfère à mes vers Crébillon le barbare.
Cette longue dispute échauffe les esprits.
Alors du plus beau feu vingt poëtes épris,
de chefs-d’oeuvre sans nombre enrichissant la scène,
sur de sublimes tons font ronfler Melpomène.
Qu’importe que mon nom s’efface dans l’oubli ?
L’esprit, le goût s’épure, et l’art est embelli.
Mais ne pardonnons pas à ces folliculaires,
de libelles affreux écrivains téméraires,
aux stances de La Grange, aux couplets de Rousseau,
que Mégère en courroux tira de son cerveau.
Pour gagner vigt écus, ce fou de La Beaumelle
insulte de Louis la mémoire immortelle.
Il croit déshonorer, dans ses obscurs écrits,
princes, ducs, maréchaux, qui n’en ont rien appris.
Contre le vil croquant tout honnête homme éclate,
avant que sur sa joue ou sur son omoplate
des rois et des héros les grands noms soient vengés
par l’empreinte des lis qu’il a tant outragés.
Ces serpents odieux de la littérature,
abreuvés de poisons et rampant dans l’ordure,
sont toujours écrasés sous les pieds des passants.
Vive le cygne heureux qui, par ses doux accents,
célébra les saisons, leurs dons, et leurs usages,
les travaux, les vertus, et les plaisirs des sages !
Vainement de Dijon l’impudent écolier
coassa contre lui du fond de son bourbier.
Nous laissons le champ libre à ces petits critiques,
de l’ivrogne Fréron disciples faméliques,
qui, ne pouvant apprendre un honnête métier,
devers saint-Innocent vont salir du papier,
et sur les dons des dieux porter leurs mains impies ;
animaux malfaisants, semblables aux harpies,
de leurs ongles crochus et de leur souffle affreux
gâtant un bon dîner qui n’était pas pour eux.
Épître 110
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