Épître 10

De cet agréable rivage
où ces jours passés on vous vit
faire, hélas ! Un trop court voyage,
je vous envoie un manuscrit
qui d’un écrivain bel esprit
n’est point assurément l’ouvrage,
mais qui vous plaira davantage
que le livre le mieux écrit :
c’est la recette d’un potage.
Je sais que le dieu que je sers,
Apollon, souvent vous demande
votre avis sur ses nouveaux airs ;
vous êtes connaisseuse en vers ;
mais vous n’êtes pas moins gourmande.
Vous ne pouvez donc trop payer
cette appétissante recette
que je viens de vous envoyer.
Ma muse timide et discrète
n’ose encor pour vous s’employer.
Je ne suis pas votre poëte ;
mais je suis votre cuisinier.
Mais quoi ! Le destin, dont la haine
m’accable aujourd’hui de ses coups,
sera-t-il jamais assez doux
pour me rassembler avec vous
entre Comus et Melpomène,
et que cet hiver me ramène
versifiant à vos genoux ?
Ô des soupers charmante reine,
fassent les dieux que les guerbois
vous donnent perdrix à douzaine,
poules de Caux, chapons du Maine !
Et pensez à moi quelquefois,
quand vous mangerez sur la Seine
des potages à la brunois.

Collection: 
1916

More from Poet

<2>

La dernière est une des plus jolies qu'on ait faites : c'est Laïs sur le retour, consacrant son miroir dans le temple de Vénus, avec ces vers :

Je le donne à Vénus, puisqu'elle est toujours belle :
Il redouble trop mes ennuis.
Je ne saurais me voir en ce...

Tu veux donc, belle Uranie,
Qu'érigé par ton ordre en Lucrèce nouveau,
Devant toi, d'une main hardie,
Aux superstitions j'arrache le bandeau;
Que j'expose à tes yeux le dangereux tableau
Des mensonges sacrés dont la terre est remplie,
Et que ma philosophie...

 
   O malheureux mortels ! ô terre déplorable !
O de tous les mortels assemblage effroyable !
D’inutiles douleurs, éternel entretien !
Philosophes trompés qui criez : « Tout est bien » ;
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces...

 
     Regrettera qui veut le bon vieux temps,
Et l’âge d’or, et le règne d’Astrée,
Et les beaux jours de Saturne et de Rhée,
Et le jardin de nos premiers parents ;
Moi, je rends grâce à la nature sage
Qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge
Tant...

Sur les bords fortunés de l'antique Idalie,
Lieux où finit l'Europe et commence l'Asie,
S'élève un vieux palais respecté par les temps :
La Nature en posa les premiers fondements ;
Et l'art, ornant depuis sa simple architecture,
Par ses travaux hardis surpassa la...