Odette, vos cheveux vermeils
Ont le jaune éclat des soleils
Parmi les moissons enchantées,
Et caressent en nappes d’or
Vos tempes plus blanches encor
Que des étoiles argentées.
Quand l’aurore rose à demi
Se joue et frissonne parmi
Cette douce toison fatale,
De pâles et tristes lueurs
Éclairent de reflets rêveurs
Votre joue aux teintes d’opale.
Sur votre jeune front penché
L’étincelle d’un feu caché
Brille dans vos yeux clairs et sombres,
Et comme de tendres pistils,
Les bandeaux soyeux de vos cils
Vous caressent de grandes ombres.
Vos lèvres déjà tout en fleur
Ont l’harmonieuse pâleur
De la sensitive froissée,
Et ce lys que rien n’outragea,
Votre front se courbe déjà
Sous l’orage de la pensée.
Vos regards sont si languissants
Qu’à votre petit cœur je sens
Saigner de secrètes blessures,
Et parfois dans vos yeux pensifs
Je crois voir s’amasser, captifs,
Tous les pleurs des amours futures.
Ah ! que ces pleurs silencieux
Ne coulent jamais de vos yeux !
Et ne voyez jamais éclore,
Autour de vos cheveux flottants,
De nos saisons que le printemps
Et de notre jour que l’aurore !
Que rien n’emplisse de sanglots
Votre âme pareille à ces flots
Où Dieu lui-même se reflète !
Parlez aux cieux, aux champs, aux bois,
Avec votre plus douce voix,
Soyez heureuse, chère Odette !
Dites aux bosquets de rosiers :
Je veux que vous me le disiez
Comment vos fleurs s’épanouissent,
Et parmi de calmes amours
Je veux que ma vie et mes jours
Ainsi que vos roses fleurissent !
A la source dont le flot clair
Boit le bleu transparent de l’air,
Dites : Je veux, ô flots sans nombre,
Que mes jours coulent, comme vous,
Sur un chemin facile et doux,
A l’abri d’un feuillage sombre !
Au bel Ange qui suit vos pas :
Je veux que ma route ici-bas
Ne soit qu’harmonie et sourires !
Tel dans l’oasis du désert
On entend parfois un concert
De voix humaines et de lyres.
Tous écouteront votre vœu !
Vous parliez encore au bon Dieu
Hier dans les célestes féeries,
Et vous devez encor savoir
En quels mots se parlent au soir
Un ange et des roses fleuries.
Juillet 1846.