À la muse

Je n'ai pas renié la Lyre. Je puis boire
Encor dans la fontaine à la profondeur noire,
Où le Rhythme soupire avec les flots divins.
Ô Déesse, j'étais un enfant quand tu vins
Pour la première fois baiser ma chevelure.
J'étais comme un avril en fleur. Nulle souillure
Ne tachait la fierté de mon cœur ingénu.
Plus de vingt ans se sont passés : mon front est nu.
Nous nous en souvenons ! en ce temps-là, Déesse,
Vingt autres comme moi, beaux, forts de leur jeunesse,
Musiciens aux fronts pensifs, que décoraient
Aussi de longs cheveux d'or éclatant, juraient
De t'adorer, jaloux, jusqu'à leur dernière heure,
Et de rester toujours dans la haute demeure
Que tes yeux azurés emplissent de clarté.
Les autres sont partis, Muse. Je suis resté.

10 septembre 1865.

Collection: 
1843

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Par le chemin des vers luisants,
De gais amis à l'âme fière
Passent aux bords de la rivière
Avec des filles de seize ans.
Beaux de tournure et de visage,
Ils ravissent le paysage
De leurs vêtements irisés
Comme de vertes demoiselles,
Et ce refrain...

Italie, Italie, ô terre où toutes choses
Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses
Des sorbets à la neige et des ballets divins !

Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
Voici qu'on pense à toi,...

A travers le bois fauve et radieux,
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Vont, couverts de pourpre et d'orfèvrerie,
Les Comédiens, rois et demi-dieux.

Hérode brandit son glaive odieux ;
Dans les oripeaux de la broderie,
Cléopâtre brille en jupe fleurie...

Grâces, ô vous que suit des yeux dans la nuit brune
Le pâtre qui vous voit, par les rayons de lune,
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Dans votre vêtement de toutes les saisons !
Et toi qui fais pâmer les fleurs quand tu respires,
Fleur de neige, ô Cypris ! toi...

Eh bien ! mêle ta vie à la verte forêt !
Escalade la roche aux nobles altitudes.
Respire, et libre enfin des vieilles servitudes,
Fuis les regrets amers que ton coeur savourait.

Dès l'heure éblouissante où le matin paraît,
Marche au hasard ; gravis les sentiers les...