L’immense Être inconnu sourit. L’aube réveille
Le ciron, la fourmi, la fleur des prés, l’abeille,
Les nids chuchotants, les hameaux,
La forêt aux profonds branchages, les campagnes,
L’océan, le soleil derrière les montagnes,
Mon âme derrière les maux.
L’Être rêve. Il construit le lys dans le mystère ;
Son doigt aide la taupe à faire un trou sous terre ;
Il peint les beaux rosiers vermeils ;
Et la création, sur son travail courbée,
Contemple ; il fait, avec l’aile d’un scarabée,
L’admiration des soleils.
Hommes, vos grands vaisseaux qui vont sous les étoiles,
Embarrassant les vents dans leurs gouffres de voiles,
Monstres qui s’imposent aux mers,
Fatiguant de leur poids la brise exténuée,
Et traînant dans leurs flancs chacun une nuée
Pleine de foudres et d’éclairs,
Vos canons, vos soldats, dont la marche olympique
D’un coin de terre obscur fait une plaine épique,
Vos drapeaux aux plis arrogants,
Vos batailles broyant les moissons, vos tueries,
Vos carnages, vos chocs, et vos cavaleries,
Aigles de ces noirs ouragans,
Vos régiments, pareils à l’hydre qui serpente,
Vos Austerlitz tonnants, vos Lutzen, vos Lépante,
Vos Iéna sonnant du clairon,
Vos camps pleins de tambours que la mort pâle éveille,
Passent pendant qu’il songe, et font à son oreille
Le même bruit qu’un moucheron.