Câest un château galant, trianon germanique,
Quâun bottier de Cassel, laissant là sa manique,
Construisit en lâhonneur des grâces et des ris.
Les fourrés sont épais, les sentiers sont fleuris ;
Lâombre est douce, lâeau court dans le parc, les statues
Agacent le regard, blanches et court-vêtues.
On voit bondir parfois de beaux cerfs familiers,
Et les roses, lançant leurs parfums par milliers,
Ignorent que lâon parle allemand autour dâelles ;
Les oiseaux au soleil font un charmant bruit dâailes.
On rêve en ce retrait, dans un frais demi-jour,
Quelque jeune margrave, aux airs de Pompadour,
Devant un grand miroir ajustant une moucheâ¦
Non ! Câest un vieux soudard, au front bas, à lâÅil louche,
Qui bâille en regardant les panneaux de Lancret.
Bazile, en le voyant rire, se convaincrait
Que sa race hideuse est encor de ce monde ;
Car sâil a dépouillé la souquenille immonde
Du vieux maître de chant, pour se chamarrer dâor,
Ce cuistre nâa pas su se défroquer encor
De son masque à soufflets et de son Åil atone,
Quâun rayon de soleil ou de franchise étonne.
Ce fantoche cassé que, dans ses doigts étroits,
La démence a saisi, câest Napoléon Trois.
La honte ne rougit pas même sa pommette.
Il mange. Il est heureux pourvu quâon lui permette
De sâhabiller en chien savant. Il est dâun sang
Où lâon aime à lâexcès les plaques de fer-blanc.
Que de croix ! Il en a jusques aux jarretières !
Et pour jouer avec met des heures entières.
Il a pour ces hochets un sourire enfantin :
On les met dans sa couche, afin que le matin
Il ne pleure pas trop.
Il rumine, il digère ;
Sa conscience est nulle, et son âme est légère ;
Et cependant, le vent dans les arbres, le soir,
Gémit lugubrement, et lâhomme pourrait voir
Les morts de Wissembourg et les morts de décembre
Coller leurs faces pâles aux vitres de la chambreâ¦
Il en vient de Cayenne, il en vient des pontons,
Soldats, proscrits, martyrs, ceux dont nous racontons
Dans les veilles dâhiver lâhistoire épouvantableâ¦
Alors il se réveille, il sâaccroche à la table,
Et tremblant, effaré, sâécrie avec stupeur :
« Apportez des flambeaux ! Piétri ! Piétri ! Jâai peur ! »
5 octobre