« Ainsi que l’alouette »

 
Ainsi que l’alouette
     Au bord du champ,
Le paisible poëte
     Et dominant l’Fera son chant.

De sa voix attendrie
     Il redira
Ton angoisse, ô patrie !
     Il chantera

Ta grandeur dans l’épreuve
     Et ton courroux,
Et tes voiles de veuve,
     Sacrés pour tous.

Il dira, chère France,
     Comment tu sais
Accepter la souffrance
     Sans dire : assez !

Sur la lyre irritée
     Il jettera
Un appel que Tyrtée
     Applaudira.

Des bois, sombres dédales,
     Et des buissons,
S’envoleront des balles
     Et des chansons.

Son ode échevelée,
     Au souffle pur,
Sur la noire mêlée
     Fera l’azur.

Tambour, clairon sonore,
     Comme à Valmy,
Il crîra dès l’aurore :
     — À l’ennemi !

Nos ardents volontaires
     Rafraîchiront
À ses ondes austères
     Leur jeune front,

Et dominant l’orage
     Aux bruits moqueurs,
Il répandra la rage
     Dans tous les cœurs !

Il sera le prophète
     Ivre d’espoir,
Devant qui l’ombre faite
     Est sans pouvoir.

À travers le désastre,
     Son œil perçant
Verra se lever l’astre
     Eblouissant !

L’astre de notre France,
     Clair et joyeux
L’étoile délivrance
     Au fond des cieux !

Car cette voix si douce,
     Qui chante au bois
Le réveil de la mousse,
     Cette humble voix,

S’enfle parfois et tonne
     Dans l’ouragan,
Comme le vent d’automne
     Sur l’océan ;

Elle devient terrible,
     Et ses sanglots
Versent, tel qu’en un crible,
     La pluie à flots.

La calme et chaste muse,
     Au front riant,
Emprunte de Méduse
     L’air effrayant ;

Elle prend et secoue
     La torche en feu,
Et sa main fine joue
     Avec l’épieu,

Et cette folle éprise
     De bulles d’air,
Qui ramène la brise
     Après l’hiver,

Secouant les étoffes
     Aux plis dormants,
Chante les âpres strophes
     Des châtiments !

1er octobre

Collection: 
1859

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