Voici mon Mal

 
Parmi mes lys fanés je songe que c’est toi
Qui me fis le plus grand chagrin d’amour, Venise !
Tu m’as trahie autant qu’une femme et conquise
En me prenant ma force, et mon rêve et ma foi.

… Je ne cherche plus rien dans Venise : l’ivresse
Des beaux palais n’est plus en moi ; le chant banal
Des gondoliers me fait haïr le Grand Canal,
Et je n’espère plus aimer la Dogaresse.

Voici mon mal : il est négligeable et profond.
Rendue indifférente à la beauté que j’aime,
J’erre, portant le deuil éternel de moi-même,
Parce que je n’ai pas de lauriers à mon front.

Collection: 
1897

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À Madame L.D. M...

Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers...

Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
La voix, récompensant mon attente docile,
Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
Unique car le noir dominait....

Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
Évoque un souvenir fragilement rosé,
Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
De ta naïveté fraîche de porcelaine.

Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
Ni...

Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
Ton visage s'incline éternellement las,
Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

Les parfums affaiblis et les astres décrus
Revivent dans tes mains aux pâles transparences
...