Sur un marché rempli d’une rumeur de houle,
En plein jour, sa lanterne allumée à la main,
Et semblant à tâtons poursuivre son chemin,
Diogène cherchait un homme dans la foule.
Le philosophe grec, sorti de son tonneau,
Qu’il aimait à l’égal d’un palais de carrare,
Faisait comprendre ainsi que la droiture est rare,
Qu’on ne peut la trouver sans porter un flambeau.
Hélas ! comme à l’époque où vivait Diogène,
Pour voir un honnête homme il faut longtemps chercher.
La vertu de tout temps a paru se cacher :
Tel le pur diamant dans l’ombre souterraine.
Comme aux jours si lointains de l’immortel railleur,
Le vice est impudent, la probité modeste,
Et partout l’imposture hypocrite déteste
Quiconque aime le droit, la justice et l’honneur.
Hélas ! comme autrefois bien des scélérats trempent
Dans des complots aussi lâches que ténébreux.
Hélas ! plus que jamais les fourbes sont nombreux,
Plus que jamais aussi les ambitieux rampent ;
Et quand dans la cité je rencontre aujourd’hui
Un tribun que la voix du devoir toujours guide,
Dont rien ne fait fléchir la constance intrépide ;
Je voudrais que chacun s’inclinât devant lui.
Et je regrette ― moi que l’art divin enchaîne ―
Que mon luth ait si peu d’éclat et de chaleur
Pour louer ce tribun, ce savant défenseur,
Dont la voix brusque et franche eût charmé Diogène.