Thrène

 
        A.
        Femmes, pour revêtir ce corps dans le tombeau
        Avez-vous su tisser un linceul assez beau ?

        B.
        Avec un soin pieux nous l’avons embaumée,
        Cette morte qui fut pour nous la sœur aimée.

        A.
        Joignez les mains, priez pour l’âme qui s’enfuit,
        Et s’éloigne, très triste et seule, dans la nuit…

        B.
        Nous pleurons sur la mort de celle qui fut belle
        Et pour qui nous tramons ce linceul de dentelle…

        A.
        Prouvez-lui votre amour et votre loyauté
        En servant dans la mort sa dernière beauté !

        B.
        Tissons pour cette morte adorable et chérie
        Un voile comparable au voile de Marie…

        A.
        Disposez avec art ses cheveux sur son front,
        Sachant qu’à votre tour d’autres vous pareront.

        B.
        Nous cueillons, en pleurant, les tristes asphodèles…
        Dieu bienfaisant, donnez à cette âme des ailes !

Collection: 
1897

More from Poet

  • À Madame L.D. M...

    Le soir s'est refermé, telle une sombre porte,
    Sur mes ravissements, sur mes élans d'hier...
    Je t'évoque, ô splendide ! ô fille de la mer !
    Et je viens te pleurer comme on pleure une morte.

    L'air des bleus horizons ne gonfle plus tes seins,...

  • Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
    Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
    Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
    Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

    Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
    Leurs pieds vifs sont légers...

  • Le soir était plus doux que l'ombre d'une fleur.
    J'entrai dans l'ombre ainsi qu'en un parfait asile.
    La voix, récompensant mon attente docile,
    Me chuchota: "Vois le palais de la douleur".

    Mes yeux las s'enchantaient du violet, couleur
    Unique car le noir dominait....

  • Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
    Évoque un souvenir fragilement rosé,
    Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
    De ta naïveté fraîche de porcelaine.

    Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
    N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
    Ni...

  • Ô Sommeil, ô Mort tiède, ô musique muette !
    Ton visage s'incline éternellement las,
    Et le songe fleurit à l'ombre de tes pas,
    Ainsi qu'une nocturne et sombre violette.

    Les parfums affaiblis et les astres décrus
    Revivent dans tes mains aux pâles transparences
    ...