• Ô Songe heureux et doux ! où fuis-tu si soudain,
    Laissant à ton départ mon âme désolée ?
    Ô douce vision, las ! où es-tu volée,
    Me rendant de tristesse et d'angoisse si plein ?

    Hélas ! Somme trompeur, que tu m'es inhumain !
    Que n'as-tu plus longtemps, ma paupière sillée ?
    Que n'avez-vous encore, ô vous, troupe étoilée,
    Empêché le soleil de commencer...

  • Arrête un peu, mon Coeur, où vas-tu si courant ?
    - Je vais trouver les yeux qui sain me peuvent rendre.
    - Je te prie, attends-moi. - Je ne te puis attendre,
    Je suis pressé du feu qui me va dévorant.

    - Il faut bien, ô mon coeur ! que tu sois ignorant,
    De ne pouvoir encor ta misère comprendre :
    Ces yeux d'un seul regard te réduiront en cendre :
    Ce sont...

  • De mes ans la fleur se déteint,
    J'ai l'oeil cave et pâle le teint,
    Ma prunelle est toute éblouie,
    De gris-blanc ma tête se peint,
    Et n'ai plus si bonne l'ouïe.

    Ma vigueur peu à peu se fond,
    Maint sillon replisse mon front,
    Le sang ne bout plus dans mes veines,
    Comme un trait mes beaux jours s'en vont,
    Me laissant faible entre les peines....

  • Un doux trait de vos yeux, ô ma fiere deesse !
    Beaux yeux, mon seul confort,
    Peut me remettre en vie et m'oster la tristesse
    Qui me tient à la mort.
    Tournez ces clairs soleils, et par leur vive flame
    Retardez mon trespas :
    Un regard me suffit : le voulez-vous, madame ?
    Non, vous ne voulez pas.
    Un mot de vostre bouche à mon dam trop aimable,
    Mais...

  • A pas lents et tardifs tout seul je me promène
    Et mesure en rêvant les plus sauvages lieux ;
    Et pour n'être aperçu, je choisis de mes yeux
    Les endroits non frayés d'aucune trace humaine.

    Je n'ai que ce rempart pour défendre ma peine,
    Et cacher mon désir aux esprits curieux
    Qui, voyant par dehors mes soupirs furieux,
    Jugent combien dedans ma flamme est...

  • Amour en même instant m'aiguillonne et m'arrête,
    M'assure et me fait peur, m'ard et me va glaçant,
    Me pourchasse et me fuit, me rend faible et puissant,
    Me fait victorieux et marche sur ma tête.

    Ores bas, ores haut, jouet de la tempête,
    Il va comme il lui plait mon navire élançant :
    Je pense être échappé quand je suis périssant,
    Et quand j'ai tout...

  • Ô Nuit ! jalouse Nuit, contre moi conjurée,
    Qui renflammes le ciel de nouvelle clarté,
    T'ai-je donc aujourd'hui tant de fois désirée
    Pour être si contraire à ma félicité ?

    Pauvre moi ! je pensais qu'à ta brune rencontre
    Les cieux d'un noir bandeau dussent être voiles
    Mais, comme un jour d'été, claire tu fais ta montre,
    Semant parmi le ciel mille...

  • Rosette, pour un peu d'absence,
    Votre coeur vous avez changé,
    Et moi, sachant cette inconstance,
    Le mien autre part j'ai rangé :
    Jamais plus, beauté si légère
    Sur moi tant de pouvoir n'aura
    Nous verrons, volage bergère,
    Qui premier s'en repentira.

    Tandis qu'en pleurs je me consume,
    Maudissant cet éloignement,
    Vous qui n'aimez que par...

  • Qu'on m'arrache le coeur, qu'on me fasse endurer
    Le feu, le fer, la roue, et tout autre supplice,
    Que l'ire des tyrans dessus moi s'assouvisse,
    Je pourrai tout souffrir sans gémir ni pleurer.

    Mais qu'on veuille en vivant de moi me séparer,
    M'ôter ma propre forme, et par tant d'injustice
    Vouloir que sans mourir de vous je me bannisse,
    On ne saurait...

  • Je ressemble en aimant au valeureux Persée
    Que sa belle entreprise a fait si glorieux,
    Ayant d'un vol nouveau pris la route des dieux,
    Et sur tous les mortels sa poursuite haussée.

    Emporté tout ainsi de ma haute pensée
    Je vole aventureux aux soleils de vos yeux,
    Et vois mille beautés qui m'élèvent aux cieux
    Et me font oublier toute peine passée....