Barque échouée au bord des rivages bretons,
J'ai désappris l'essor de mes jeunes sillages
Et laissé, sur mes flancs, se nouer en festons
Vos scalps souillés d'écume, ô goémons des plages.
Il ne m'importe plus si d'autres les refont,
Mes croisières d'antan, mes belles odyssées ;
Promise au lent trépas des carènes blessées,
J'abandonne le large à...
-
-
L'étang mire des fronts de jeunes lavandières.
Les langues vont jasant au rythme des battoirs,
Et, sur les coteaux gris, étoilés de bruyères,
Le linge blanc s'empourpre à la rougeur des soirs.
Au loin, fument des toits, sous les vertes ramées,
Et, droites, dans le ciel, s'élèvent les fumées.
Tout proche est le manoir de Keranglaz, vêtu
D'ardoise,... -
Drapée en sa cape de veuve,
S'efface à pas discrets la nuit
Voici poindre la clarté neuve
De l'aube qui s'épanouit.
Elle promène sur les choses
Son beau regard silencieux
Et la mer se jonche de roses
Sous la caresse de ses yeux.
Pour son adorable venue
Le désert du ciel s'est paré...
Salut, déesse chaste et nue,
Fille de l'... -
O grand pays religieux,
Pavé de pierres sépulcrales,
Un jour sombre te vient des cieux
Par des vitraux de cathédrales !
... Vous avez peut-être passé
Dans le sentier des primevères.
Sur l'horizon, plane, dressé,
Le groupe noir des « Cinq Calvaires ".
Ils sont là cinq Christs, tous pareils,
Aux faces mornes et ridées,
Que font... -
Ils avaient dit bonsoir aux femmes
En train de coucher les petits ;
Et, sur le dos mouvant des lames,
A la brune, ils étaient partis.
Ils étaient partis, à mer haute,
Pour conquérir le pain amer
Qu'il faut gagner loin de la côte,
Au péril de la haute mer.
Dans la nuit, la nuit sans étoiles,
Ils disparurent... A Dieu vat !
Le... -
A François Gélard
J'ai dans l'âme un vieux sanctuaire
Aux trois quarts, hélas ! ruiné,
Où, sur un pauvre autel de pierre,
Des fleurs achèvent de faner.
J'ai dans l'âme un vieux sanctuaire...
Voilà beau temps qu'on n'y vient plus,
Au matin, dire la prière
Et, le soir, tinter l'angélus.
Jadis, pareilles à des vierges,
En de... -
A Pauline Ménou
Dans la nuit noire, recourbée en nef d'église,
S'inscrivent, par instants, des pâleurs de vitraux
Qu'une clarté de lune intermittente irise :
Un vent religieux frissonne sur les eaux.
Au large de l'Ar-Men solitaire, agonise
L'âme, lente à sombrer, des soirs occidentaux.
Un deuil plane sur les maisons de pierre grise ;
Les... -
Sur les coteaux pâlis flotte une ombre indécise :
Au portail de la ferme une femme est assise,
Qui, d'un refrain breton vaguement fredonné,
Dans ses bras arrondis berce son premier-né ;
Sous le corsage étroit où s'amincit son buste
Pointent deux jeunes seins, gonflés d'un lait robuste ;
Son regard, à travers le ciel mourant, poursuit
Un songe ailé de mère... -
Du temps que j'étais écolier sauvage
En un vieux collège aux livres moisis,
S'en vint jusqu'à moi, s'en vint une page
D'un recueil tout frais de « Morceaux choisis ».
Comme l'eau d'avril au creux des fontaines,
Ainsi le printemps riait dans ces vers.
Je lus - et je vis, aux brumes lointaines,
S'ouvrir les yeux neufs d'un autre univers.
Je n'... -
Elle est couchée en son lit clos ;
Elle dort, elle dort, Tryphine !
Aussi blonds que la paille fine,
Ses cheveux coulent à longs flots
Sur la nacre de sa poitrine.
Et la cuisine vaste est pleine de sanglots !...
***
On a pour la veillée invité les fileuses ;
Par les sentiers prochains on les entend venir.
La vieille Anna Congard...