Barque échouée au bord des rivages bretons,
J'ai désappris l'essor de mes jeunes sillages
Et laissé, sur mes flancs, se nouer en festons
Vos scalps souillés d'écume, ô goémons des plages.
Il ne m'importe plus si d'autres les refont,
Mes croisières d'antan, mes belles odyssées ;
Promise au lent trépas des carènes blessées,
J'abandonne le large à celles qui s'en vont.
Ni l'aile des courlis que le matin soulève,
Ni l'émoi de la mer sous un vierge soleil
Ne peuvent, dans mon être à la tombe pareil,
Faire sourdre un regret ou tressaillir un rêve.
Je vois partir mes soeurs à la pointe du jour,
Je les vois revenir aux premières étoiles,
Sans envier le chant que gonflent dans leurs toiles
La fièvre du départ et l'orgueil du retour.