• L'âge d'or précieux
    Délaissant la terre ronde,
    Saturne, chassé des cieux,
    Laissa l'empire du monde.

    Et lors ses trois fils, pervers,
    Avançant leur héritage,
    Départirent l'univers
    Chacun selon son partage.

    Jupiter eut par hasard
    Le ciel tournoyant la terre,
    Et fortifia sa part
    Des foudres et du tonnerre.

    ...

  • O combien est heureux
    Celui qui se contente
    Des biens si plantureux
    Que nature présente !
    Autres biens que ceux-ci
    Sont meslés de souci.

    J'ai toute suffisance
    Que la vie requiert:
    Qui abonde en chevance
    Pour autrui en acquiert.
    Trésors En vain sont amassés.

    Qui se fonde en l'honneur,
    A Fortune se joue,
    Qui...

  • La jeune fille est semblable à la rose,
    Au beau jardin, sur l'épine naïve,
    Tandis que sûre et seulette repose,
    Sans que troupeau ni berger y arrive.
    L'air doux l'échauffe et l'aurore l'arrose ;
    La terre, l'eau par sa faveur l'avive.
    Mais jeunes gens et dames amoureuses
    De la cueillir ont les mains envieuses.
    La terre et l'air qui la soulaient...

  • Adieu, ville, vous command ;
    Il n'est plaisir que des champs.
    L'autre hier, trouvai Sylvette,
    Son petit troupeau gardant :
    Quand je la trouvai seulette,
    S'amour allai demandant.
    Adieu, ville, vous command ;
    Il n'est plaisir que des champs.

    "A quoi pensez-vous, bergere
    En cette fleur de quinze ans?
    La beauté passe légere,
    ...

  • Ode

    Si en un lieu solitaire
    Les ennuis me font retraire
    Pour me plaindre tout seulet,
    Si je cherche les montagnes,
    Ou des plus vertes campagnes
    Le murmurant ruisselet ;
    Lors ces choses tant secrètes,
    Bien qu'aux autres soient muettes,
    Me voyant en tel émoi,
    Toutes d'un chant pitoyable,
    Mais, hélas ! peu secourable,
    Gémissent avecque...

  • Depuis le jour qu'il me convint distraire,
    Et d'avec moy, comme voeuf m'absenter,
    Je n'ay cessé de plaindre et lamenter,
    Traisnant ma vie amerement austere.

    Me desrobant dans un bois solitaire,
    Rien ne se vient à mes yeux presenter
    Fors une horreur, qui faict espouvanter
    Mon cerveau vuide en cent doubtes contraire.

    Morne et pensif, d'une face...

  • Soit qu'esgaré par l'espesseur d'un bois,
    Ou par l'horreur de quelque antre sauvage,
    Ou soit qu'auprès d'un trepillant rivage,
    Je tranche l'air des souspirs de ma voix ;

    Soit qu'en resvant aux amoureuses loix,
    Du rossignol j'escoute le ramage,
    Ou qu'en pensant ramollir mon courage,
    Mon luth j'anime au passer de mes doigts ;

    Vers quelque...

  • Quand tu naquis en ces bas lieux
    Tous les dieux et les demi dieux
    Et les déesses plus bénines
    Gravèrent de lettres divines
    Dans ton astre bien fortuné
    "Le Délien est né !"
    Tout le Parnassien troupeau
    Chantant autour de ton berceau,
    Te prévoyant son prêtre en France,
    Disait en l'heur de ta naissance
    Sur ton front déjà couronné
    "...

  • Ce n'est pas moy qui veut d'un feint ouvrage
    Par mille vers farder sa passion,
    Ou en flatant plaire à l'affection
    De l'amoureux inconstant et vollage :

    Ce n'est pas moy, qui, surpris d'une rage,
    Trouble, insensé, de sa conception
    Le vif dessein, ny doit l'intention
    Est de se prendre en un si doux naufrage.

    Ce n'est pas moy qui tasche de...

  • En quel fleuve areneux jaunement s'écouloit
    L'or, qui blondist si bien les cheveux de ma dame ?
    Et du brillant esclat de sa jumelle flamme,
    Tout astre surpassant, quel haut ciel s'emperloit ?

    Mais quelle riche mer le coral receloit
    De cette belle levre, où mon desir s'affame ?
    Mais en quel beau jardin, la rose qui donne ame
    A ce teint vermeillet,...