Si en un lieu solitaire
Les ennuis me font retraire
Pour me plaindre tout seulet,
Si je cherche les montagnes,
Ou des plus vertes campagnes
Le murmurant ruisselet ;
Lors ces choses tant secrètes,
Bien qu'aux autres soient muettes,
Me voyant en tel émoi,
Toutes d'un chant pitoyable,
Mais, hélas ! peu secourable,
Gémissent avecque moi.
En quelque part que je tourne,
Toujours le deuil y séjourne ;
Le cours même du ruisseau
S'enfle aux pleurs de ma complainte ;
Sa fleur tombante à ma plainte
Y pleure maint arbrisseau.
Les poissons viennent en tourbe ;
Le plus fort chêne se courbe
Au son de mes piteux cris ;
Et le Satyre folâtre
Tout coi délaisse à s'ébattre
Pour déplorer mes écrits.
Je vois l'oiseau qui se penche
Tout pensif dessus la branche,
Puis en douloureux accents
Dégoise en son doux ramage,
Qui au plus félon courage
Pourrait chatouiller les sens.
Je vois le troupeau champêtre,
Qui oublie à se repaître
Pour entendre ma chanson ;
J'entr'ois les cavernes basses,
Par leurs voix rauques et lasses,
Lamenter mon triste son.
Mais que me sert faire entendre
Mon chant pitoyable et tendre,
Si une, hélas ! n'en croit rien,
Que sur toute autre j'admire,
Et que seule je désire
Se convertir à mon bien ?