• Au pied de mon lit, une Vierge négresse
    fut mise par ma mère. Et j’aime cette Vierge
    d’une religion un peu italienne.
    Virgo Lauretana, debout dans un fond d’or,
    qui me faites penser à mille fruits de mer
    que l’on vend sur des quais où pas un souffle d’air
    n’émeut les pavillons qui lourdement s’endorment,
    Virgo Lauretana, vous savez qu’en ces heures...

  • Tu penches, grand Platane, et te proposes nu,
                Blanc comme un jeune Scythe,
    Mais ta candeur est prise, et ton pied retenu
                Par la force du site.

    Ombre retentissante en qui le même azur
                Qui t’emporte, s’apaise,
    La noire mère astreint ce pied natal et pur
                À qui la fange pèse.

    De ton...

  •  
    À J.-M. Fleury.

    I

    Te Deum laudamus ! Avril
    A chassé les froids, le grésil,
    Les avalanches.
    Notre printemps est de retour,
    Et partout un frisson d’amour
    Court sous les branches.

    La vie a germé de la mort.
    Adieu les bourrasques du nord !
    La brise est...

  •  
    Sors de ta ruche obscure et vole, ô jeune essaim !
    Doux rêves que l'hiver enchaînait dans mon sein,
    Allez, chantez sur l'aubépine !
    Le soleil vous invite, ô mes oiseaux chéris ;
    L'herbe est verte aux filions, et les pêchers fleuris
    Teignent de rose la colline.

    Pour me les dire après, écoutez tous les sons ;
    Volez du thym au myrte, et du chêne...

  • Alerte et déliant la langue des pinsons,
    Quand viendra, couronné des floraisons nouvelles,
    Avril, qui fait vibrer les âmes et les ailes,
    Avril, le doux poète et faiseur de chansons ;

    Quand l’aubépine, étoile et neige des buissons,
    Brillera dans le vert pâle des bourgeons frêles ;
    Quand passera la brise avec les hirondelles
    Sur les arbres émus de...

  •  
    Le cœur n’est pas fragile, il est fait d’or solide :
    Plût au dieux que, pareil à l’amphore de grès,
    Il ne servît qu’un temps et fût poussière après !
    Mais il ne s’use point, ô douleur ! il se vide !

    Au bord, la volupté rôde toujours avide :
    Frère, ne permets pas qu’elle y boive à longs traits ;
    Garde sévèrement ce qu’il contient de frais,
    ...

  •  

    Le sort vous a poussé hors du vallon natal,
    Et le vent de l’exil souffle dans votre voile ;
    Mais toujours devant vous, noble ami, luit l’étoile
    Qui montre le chemin aux chercheurs d’idéal.

    Vous êtes loin, bien loin ; mais toujours dans votre âme
    Survit le souvenir du pays des aïeux,
    Où la France a tracé son sillon radieux,
    Où la foi dans les...

  • III

                   

    Par votre ange envolée ainsi qu’une colombe !
    Par ce royal enfant, doux et frêle roseau !
    Grâce encore une fois ! grâce au nom de la tombe !
    Grâce au nom du berceau !

  •  
    Quand ta voix céleste prélude
    Aux silences des belles nuits,
    Barde ailé de ma solitude,
    Tu ne sais pas que je te suis !

    Tu ne sais pas que mon oreille,
    Suspendue à ta douce voix,
    De l'harmonieuse merveille
    S'enivre longtemps sous les bois !

    Tu ne sais pas que mon haleine
    Sur mes lèvres n'ose passer,
    Que...

  • Au seul souci de voyager
    Outre une Inde splendide et trouble
    — Ce salut soit le messager
    Du temps, cap que ta poupe double

    Comme sur quelque vergue bas
    Plongeante avec la caravelle
    Ecumait toujours en ébats
    Un oiseau d’annonce nouvelle

    Qui criait monotonement
    Sans que la barre ne varie
    Un inutile gisement
    Nuit, désespoir et...