• Près du flot glorieux qui baise Mitylène,
    Marchent, vierges en fleur, de jeunes poétesses
    Qui du soir azuré boivent la fraîche haleine
    Et passent dans la nuit comme un vol de Déesses.

    Elles vont, emportant la brise dans leurs voiles,
    Vers le parfum sauvage et les profonds murmures.
    Les lumières d'argent qui tombent des étoiles
    Sur leurs dos gracieux...

  • Ô chers vieillards, depuis dix très longues années,
    Ils sont partis, les Rois des nefs éperonnées,
    Entraînant sur la mer tempétueuse, hélas !
    Les hommes chevelus de l’héroïque Hellas,
    Qui, tels qu’un vol d’oiseaux carnassiers dans l’aurore,
    De cent mille avirons battaient le flot sonore.
    Et nul n’est revenu, des guerriers ou des chefs !

    Tant de braves...

  • Femmes, sur ce tombeau cher aux peuples Hellènes,

    Posons ces tristes fleurs auprès des coupes pleines.
    L’offrande funéraire est douce à qui n’est plus.

    Il convient, selon l’ordre et le rite voulus,
    Que l’illustre Élektra, la tempe deux fois ceinte,
    Verse au mort bien aimé la libation sainte,
    Et l’appelle du fond de l’Hadès souterrain.
    Ainsi le veut...

  •  
    Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
    Dont le front est de glace et les pieds de gazons ;
    C’est là qu’il faut s’asseoir
    Alfred de VIGNY.

     
    Connaissez-vous ces monts dont la tête immobile
    Oppose son silence au bruit des flots mouvans ?
    Au sein de leurs rochers est un pieux asile
    Cher aux êtres souffrans.

    C...

  • Sur le sentier du plus âpre des bois,
    Tel qu’un flâneur distrait qui ne me voit,
    Le poil bouffant, vint tranquille vers moi
    Un renard. J’eus comme un léger émoi
    Qui se changea vite en éclat de rire
    Lorsque aussi prompt qu’une brise qui vire
    Il s’en alla si bien que je l’admire
    Dans ma pensée où je vois encor luire
    Sa queue. Et tout autour j’...

  •  
    PROLOGUE

    Comme, au bord de ce lit, par-delà ce vitrail,
    Cette femme est posée avec désinvolture !
    À la voir en relief sur la rouge tenture,
    On dirait une perle aux parois d’un corail.

    Elle est là, le sein nu, sous une lampe fauve,
    Qui dévore de l’oeil une lettre d’amour !
    Viens, magique Asmodée ; entrons dans son alcove !
    Et tous deux...

  •  
    Nuit d’ombre, nuit tragique, ô nuit désespérée !

    J’étouffe dans la chambre où mon âme est murée,
    Où je marche, depuis des heures, âprement,
    Sans pouvoir assourdir ni tromper mon tourment.
    Et j’ouvre la fenêtre au large clair de lune.
    Sur les champs nage au loin sa cendre bleue et brune.

    Comme une mélodie heureuse au dessin pur
    La colline...

  •  
    Toute la Gloire avec le glaive et l’étrier,
    Et la terre qui saigne et la mer qui écume,
    Le feutre balayant le parquet de sa plume,
    La Puissance et l’Amour, la rose et le laurier,

    De ce songe royal et de ce bruit guerrier,
    Soleil d’or qui s’efface ébloui dans la brume,
    Il ne reste que l’œuvre anonyme et posthume
    Du marteau d’un sculpteur dans...

  •  
    On a bâti là, plus réel
    Que l’échelle du patriarche,
    Un escalier dont chaque marche
    Est vraiment un pas vers le ciel.

    Dans la nature tout entière
    L’architecte prit à son gré
    Pour cet édifice sacré
    La plus glorieuse matière :

    Il prit des marbres sans rivaux,
    Fragments de ces pierres illustres
    Que la pioche aveugle des rustres...

  • La fraude — nerf du commerce —
    À notre époque s’exerce
    Sur les escargots itou :
    Ainsi des gens, sans vergogne,
    Vont déclarant de « Bourgogne »
    Ceux qu’ils cueillent n’importe où.
     
    Tel escargotier cupide,
    Dans une coquille vide
    Et Bourguignonne, vous vend
    Un escargot fantaisiste…
    C’est le geai du Fabuliste
    Paré des plumes...