Sur le sentier du plus âpre des bois,
Tel qu’un flâneur distrait qui ne me voit,
Le poil bouffant, vint tranquille vers moi
Un renard. J’eus comme un léger émoi
Qui se changea vite en éclat de rire
Lorsque aussi prompt qu’une brise qui vire
Il s’en alla si bien que je l’admire
Dans ma pensée où je vois encor luire
Sa queue. Et tout autour j’entends bruire
Le cliquetis des arbres dépouillés.
Ô mon renard ! ami des prés mouillés,
Cadres brillants des coqs aux chants rouillés
Dont l’orgueil fou trahit les poulaillers,
C’est bien à toi que semblait ma Jeunesse
Lorsqu’elle allait d’un pied plein de finesse,
Faisant glisser de tous côtés son œil
Et prête à fuir l’ombre d’un écureuil !
Cette Jeunesse elle est dans ma pensée.
Ainsi que toi, renard, elle est passée
Sur le chemin des bois où les pensées
Et l’ancolie au printemps sont poussées.
Et maintenant, dans l’automne froissée,
Elle s’en va sur les mousses tassées
Ce qu’alors je fis. Et d’abord souffla
Le vent aux sapins. Et la mer boula.
Puis le vent décrut. La mer désenfla.
Et tout doucement la brise coula
Comme de la pluie à travers l’yeuse.
Le soleil baisa la forêt joyeuse
Qui dans un tendre et long balancement
Berçait comme fait un être charmant
Ses nids de mésange et ses nids de graines.
Cet hymne aurait pu plaire à quelque reine,
Mais à la diablesse il ne convint pas
Et je l’entendis maugréer tout bas.
Mon luth alors neigea sur la vallée
Qui s’épanouit comme l’azalée
La plus blanche. Et la plaine immaculée
Se tut. Et les champs et toutes leurs claies
Disparurent dans l’éblouissement :
C’était le livre pur du Tout-Puissant.
Je vis bientôt la diablesse fuyant :
Elle n’aimait la neige ni le vent
1920.