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    I

    Depuis qu’elle m’a fui comme un songe doré
    De deuil et de chagrin je me sens dévoré ;
    Et je ne sais pourquoi de sa cendre mortelle
    Mon âme ne veut pas s’élancer auprès d’elle,
    Et, des anges fendant les chœurs harmonieux,
    Rejoindre dans le ciel mon ange au milieu d’eux.

    II

    Il est une cascade au sein des monts de Suisse,
    D’où l’...

  • Paysages et Souvenirs

    I. — La Vigne en fleur

    C’était une vallée entre Saint-Cyr et Luynes,
    Dont la vigne à foison couvrait les deux versans ;
    La tiède nuit de juin glissait sur les collines,
    Et dans les chemins creux brillaient des vers luisans.

    Lorsque pour son amant le soir la bien-aimée
    ...

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    Je partais pour un long voyage.
    En wagon, tapi dans mon coin,
    J’écoutais fuir l’aigu sillage
    Du sifflet dans la nuit, au loin ;

    Je goûtais la vague indolence,
    L’état obscur et somnolent,
    Où fait tomber sans qu’on y pense
    Le train qui bourdonne en roulant ;

    Et je ne m’apercevais guère,
    Indifférent de bonne foi,
    Qu’une jeune...

  • V

    Oui, vous êtes venus et vous voilà couchés ;
    Vous voilà caressés, portés, baisés, penchés,
    Sur le souple oreiller de l'eau molle et profonde ;
    Vous voilà dans les draps froids et mouillés de l'onde ;
    C'est bien vous, fils du Nord, nus sur le flot dormant !
    Vous fermez vos yeux bleus dans ce doux bercement.
    Vous aviez dit...

  • Ils se disent, ma colombe,
    Que tu rêves, morte encore,
    Sous la pierre d'une tombe :
    Mais pour l'âme qui t'adore,
    Tu t'éveilles ranimée,
    Ô pensive bien-aimée !

    Par les blanches nuits d'étoiles,
    Dans la brise qui murmure,
    Je caresse tes longs voiles,
    Ta mouvante chevelure,
    Et tes ailes demi-closes
    Qui voltigent sur les roses !...

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    Les hauts buis d’alentour bordent un rond-point d’eau.
    Aux angles du bassin, devant leurs ombres graves,
    La Déesse aux yeux durs et le Dieu aux yeux caves
    Tiennent l’un le trident et l’autre le marteau.

    Au centre, enseveli dans un vivant tombeau,
    Un Encelade tord, sous l’amas noir des laves,
    Son gigantesque corps qui, nu dans ses entraves,
    ...

  •  
    Vous n’avez pas sondé tout l’Océan de l’âme,
    O vous qui prétendez en dénombrer les flots !
    Qui de vous de tout cœur a pu sentir la flamme
    Et de toute poitrine écouter les sanglots ?
    Qui de vous a tâté tous les coins de l’abîme
    Pour dire : « C’en est fait, l’homme nous est connu ;
    Nous savons sa douleur et sa pensée intime,
    Et pour nous, les...

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    Encore un hymne, ô ma lyre !
    Un hymne pour le Seigneur,
    Un hymne dans mon délire,
    Un hymne dans mon bonheur !

    Oh ! qui me prêtera le regard de l'aurore,
    Les ailes de l'oiseau, le vol de l'aquilon ?
    Pourquoi ? — Pour te trouver, toi que mon âme adore,
    Toi qui n'as ni séjour, ni symbole, ni nom !

    Qu'ils sont heureux,...

  • Des terrains sans culture, où les chèvres du pâtre
    Achèvent un gazon que le mistral brûla,
    Des bois de pins, rampant sur la roche marâtre,
    Et de pauvres maisons dont la pierre grisâtre
    S’écaille au vent de mer, — Endoume, te voilà !

    Cependant, plus qu’un sol prodigue de merveilles,
    Plus qu’un jardin riant au printemps bienvenu,
    Plus que les doux...

  • Endymion s’endort sur le mont solitaire,
    Lui que Phœbé la nuit visite avec mystère,
    Qu’elle adore en secret, un enfant, un pasteur.
    Il est timide et fier, il est discret comme elle ;
    Un charme grave au choix d’une amante immortelle
    ...