• Le long des mers d’azur aux sonores rivages,
    Par les grands bois tout pleins de hurlements pieux,
    Tu passes lentement, mère antique des dieux,
              Sur le dos des lions sauvages.
    D’écume furieuse et de sueurs baignés,
    Les Nymphes de l’Ida, les sacrés Corybantes,
              Déchirent leurs robes tombantes,
              Et dansent par bonds effrénés....

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    Être unique, ineffable, inaccessible, immense,
    Voyageur de l’espace et du temps infinis,
    Toi que nous vénérons sous tes voiles bénis,
    Le monde, au jour premier, germa de ta semence.

    La source qui jamais n’est lasse de jaillir,
    Le pain sacré, c’est toi. Ta parole est substance.
    Dans le creux de ta main palpite l’existence ;
    Le futur, en tes...

  •  
    Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
    Le cygne chasse l’onde avec ses larges palmes,
    Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
    A des neiges d’avril qui croulent au soleil ;
    Mais, ferme et d’un blanc mat, vibrant sous le zéphire,
    Sa grande aile l’entraîne ainsi qu’un lent navire.
    Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,...

  •  
    I

    Ô mai ! moment blanc de l’année !
    Mois des blancs unanimes,
    Des blancs ― comme neigés !
    Blanc des jardins et des vergers,
    Blanc des cygnes,
    Blancs unanimes !

    C’est le mois où les cygnes ont l’air en fleur,
    Tout extasiés,
    Comme des cerisiers ;

    On dirait des Premières Communiantes,
    Chœur virginal
    Qui se pose...

  •  
    Ce haut cyprès ! c’est là qu’un soir est mort l’Amour,
    Dans l’ombre chaude encor de sa rouge journée,
    C’est là que, contre lui sa pointe retournée,
    Il est tombé, percé de sa flèche à son tour.

    O lieu cher et cruel et triste, où, de ce jour,
    Mystérieuse et qui ne s’est jamais fanée,
    De son sang a fleuri une rose obstinée
    Dont semble encor la...

  •  
    Je regardais tourner le mannequin,
    Et j’admirais sa taille, sa poitrine,
    Ses cheveux d’or et son minois taquin,
    Lorsque j’ai vu palpiter sa narine
    Et son cou mince à forme vipérine.
    — « Elle vit donc ! » me dis-je, épouvanté  :
    Et depuis lors, à toute heure hanté
    Par un amour que rien ne peut occire,
    J’ai la peur et la curiosité
    De...

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    À Catulle Mendès.

    Sur ce couvercle de tombeau
       Elle dort. L’obscur artiste
    Qui l’a sculptée a vu le beau
           Sans rien de triste.

    Joignant les mains, les yeux heureux
       Sous le voile des paupières,
    Elle a des rêves amoureux
           Dans ses prières.

    Sous les plis lourds du vêtement,
       La chair...

  • Dame
    Sans trop d’ardeur à la fois enflammant
    La rose qui cruelle ou déchirée, et lasse
    Même du blanc habit de pourpre, le délace
    Pour ouïr dans sa chair pleurer le diamant

    Oui, sans ces crises de rosée et gentiment
    Ni brise quoique, avec, le ciel orageux passe
    ...

  •  
    Le dimanche, au salon, pêle-mêle se rue
    Des bourgeois ébahis la bizarre cohue
    Qui s’en vient, chaque année, à la foire des arts,
    Vainement amuser ses aveugles regards.
    Ainsi devant le beau, dont il ne s’émeut guère,
    L’obscur faiseur de gloire appelé le vulgaire
    Va, la bouche béante et l’œil vide, pareil
    À des flots de moutons bêlant vers le...


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