•  
    À vingt ans on a l’œil difficile et très fier :
    On ne regarde pas la première venue,
    Mais la plus belle ! Et, plein d’une extase ingénue,
    On prend pour de l’amour le désir né d’hier.

    Plus tard, quand on a fait l’apprentissage amer,
    Le prestige insolent des grands yeux diminue,
    Et d’autres, d’une grâce autrefois méconnue,
    Révèlent un trésor...

  •  
    J’aurai vingt ans demain ! Faut-il pleurer ou rire ?
    Saluer l’avenir, regretter le passé,
    Et tourner le feuillet du livre qu’il faut lire,
    Qu’il intéresse ou non, qu’on aime ou soit lassé ?

    Vingt ans, ce sont les fleurs toutes fraîches écloses,
    Les lilas parfumés dans les feuillages verts,
    Les marguerites d’or et les boutons de roses
    Que le...

  •  
    Gueux, qu’avions-nous jusqu’à ce jour ?
    — De l’or, pas un sou ! Du sol, pas un pouce !
    Notre âge nous livre l’amour,
    Blond trésor et vigne aux vendanges douces !
    Mais voici qu’on veut nous voler
    Trois ans d’un bonheur éclos hier à peine.
    Et voici qu’on veut affubler
    Nos tendres vingt ans d’oripeaux de haine !
     ...

  • J’ai vu ses yeux perçants, j’ai vu sa face claire :
    (Nul jamais sans son dam ne regarde les dieux)
    Froid, sans cœur me laissa son œil victorieux,
    Tout étourdi du coup de sa forte lumière.

    Comme un surpris de nuit aux champs quand il éclaire,
    Étonné, se pâlit si la flèche des cieux
    Sifflant lui passe contre, et lui serre les yeux :
    ...

  • C'est amour, c'est amour, c'est lui seul, je le sens,
    Mais le plus vif amour, la poison la plus forte.
    À qui onc pauvre cœur ait ouverte la porte  :
    Ce cruel n'a pas mis un de ses traits perçants,

    Mais arc, traits et carquois, et lui tout dans mes sens.
    Encore un mois n'a pas, que ma franchise est morte,
    Que ce venin mortel dans mes...

  • Je vois bien, ma Dordogne encore humble tu vas :
    De te montrer Gasconne en France, tu as honte.
    Si du ruisseau de Sorgue, on fait ores grand conte,
    Si a-t-il bien été quelquefois aussi bas.

    Vois-tu le petit Loir comme il hâte le pas ?
    Comme déjà parmi les plus grands il se compte ?
    Comme il marche hautain d’une course plus prompte
    ...

  • J’étais près d’encourir pour jamais quelque blâme.
    De colère échauffé mon courage brûlait,
    Ma folle voix au gré de ma fureur branlait,
    Je dépitais les dieux, et encore ma dame.

    Lorsqu’elle de loin jette un brevet dans ma flamme
    Je le sentis soudain comme il me rhabillait,
    Qu’aussitôt devant lui ma fureur s’en allait,
    Qu’il me...

  • Je tremblais devant elle, et attendais, transi,
    Pour venger mon forfait quelque juste sentence,
    À moi-même con(sci)ent du poids de mon offense,
    Lorsqu’elle me dit, va, je te prends à merci.

    Que mon los désormais partout soit éclairci :
    Employe là tes ans : et sans plus mes-huy pense
    D’enrichir de mon nom par tes vers notre France,
    ...

  • Si ma raison en moi s’est pu remettre,
    Si recouvrer asteure je me puis,
    Si j’ai du sens, si plus homme je suis,
    Je t’en mercie, ô bienheureuse lettre.

    Qui m’eût (hélas) qui m’eût su reconnaître
    Lorsqu’enragé vaincu de mes ennuis,
    En blasphémant ma dame je poursuis ?
    De loin, honteux, je te vis lors paraître

    Ô saint papier,...

  • Quoi ? qu’est-ce ? ô vents, ô nues, ô l’orage !
    À point nommé, quand d’elle m’approchant
    Les bois, les monts, les baisses vois tranchant
    Sur moi d’aguet vous poussez votre rage.

    Ores mon cœur s’embrase davantage.
    Allez, allez faire peur au marchand,
    Qui dans la mer les trésors va cherchant :
    Ce n’est ainsi, qu’on m’abat le courage...