• Pourquoi revenez-vous creuser mon souvenir,
    O jours trop tôt perdus, ô trop chères pensées,
    Images que le temps doit avoir effacées,
    Mots que mon cœur jalouse & ne peut contenir,
    Pourquoi revenez-vous creuser mon souvenir ?

    J’avais promis l’oubli qui console & qui tue,
    L’oubli muet & calme, aux flots profonds & lourds.
    Les heures ont...

  • Cosette ! le printemps nous appelle. Fuyons
    La chambre longtemps close & les murailles sombres,
    Allons dans la campagne où, dissipant les ombres,
    Tombe la pluie ardente & folle des rayons.

    Tristesses de l’hiver, allez-vous-en ! Rions
    Puisque avril nous revient, & que dans les décombres
    Fleurit la giroflée, & que toutes pénombres
    S’...

  • Chaînes qu’on rompt, prisons qu’on démantelle, grilles
    Qu’on arrache ; palais qui s’effondrent, soldats
    Et prêtres châtiés ; églises & bastilles
    Croulant dans la fumée horrible des combats !

    Effarement, clameurs furieuses des lâches
    Accroupis sous le pied des tyrans consternés !
    Cris des hommes nouveaux se ruant à leurs tâches !
    Magnanime rumeur...

  • Rien n’est plus ennuyeux que ces villes banales
    Débitant le soleil à faux poids, ou des eaux
    Qui doivent aciérer nos muscles & nos os,
    Pays d’albums usés, stations hivernales.

    Des princes vagabonds illustrent leurs annales ;
    Les hôteliers hargneux combinent des réseaux,
    Et l’on voit fuir au loin la joie & les oiseaux
    Devant de laids bourgeois...

  • O pasteurs ! Hespérus à l’Occident s’allume ;
    II faut tenter la cime & les feux de la brume !
    Un bois plutonien couronne ce rocher,
    Et je veux, aux lueurs des astres, y marcher !
    Ma pensée habita les chênes de Dodone ;
    La lourde clef du Rêve à ma ceinture sonne,
    Et, détournant les yeux de ces âges mauvais,
    Je suis un familier du Silence — & je...

  • Maître Watteau, dans l’art d’agrémenter un rêve,
    Je suis votre confrère & non pas votre élève.
    Vraiment, si j’empruntais la règle de mon goût,
    Je la devrais aux Grecs, à leurs marbres surtout.
    Inhabile à tirer profit des biens d’un autre,
    Je vis de mon caprice, & ce genre est le vôtre.
    Mais, comme vous & moi nous fardons la beauté,
    Il règne...

  • Comme si ses flancs renfermaient une âme,
    Le Vésuve au loin gronde sourdement ;
    Le ciel est zébré de langues de flamme,
    La cendre jaillit du sommet fumant.

    Au pied du volcan la mer fulgurante
    Mugit sur ses bords et sur ses récifs ;
    Dans les frais ravins où s’endort Sorrente,
    Sous les orangers ils restent assis.

    C’est le premier jour que la...

  • Alpes ! forêts, glaciers ruisselants de lumière,
    Sources des grandes eaux où j’ai bu si souvent,
    Sommets ! libres autels où, dans ma foi première,
    J’ai respiré, senti, touché le Dieu vivant ;

    Où la terre a pour moi dénoué sa ceinture,
    Où, dans ses bois obscurs, j’ai rencontré le jour ;
    Où mon cœur s’enivrait, aux bras de la nature,
    D’un mélange sacré...

  • O sereine beauté des cimes couronnées
    Par l’azur qui baignait le front des Pyréncés…

    Depuis que j’erre ainsi, plante déracinée,
    Au gré du vent, du flot, de l’heure ou de l’année,
    Sans jamais espérer de revenir demain, —
    Si propice ou charmant que me fût le chemin, —
    J’avais connu déjà ce déchirement d’...

  • Porphyris te consacre, ô Bakkhos, Dieu du vin,
    Ce thyrse couronné d’une pomme de pin,
    La peau de cerf, longtemps enroulée à ses hanches,
    Ce sistre, ce tambour, ces bandelettes blanches,
    Instruments et témoins de sa jeune fureur !
    Elle ne hante plus les grands bois pleins d’horreur,
    Sous le mystique van, ceinte de la nébride :
    Car sa tête blanchit et...