• Le printemps maladif a chassé tristement
    L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,
    Et dans mon être à qui le sang morne préside
    L’impuissance s’étire en un long bâillement.

    Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
    Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeau,
    Et, triste, j’erre après un Rêve vague et beau,
    Par les champs où la...

  • Longuement poursuivi par le spleen détesté,
    Quand je vais dans les champs, par les beaux soirs d’été.
    Au grand air rafraîchir mes tempes,
    Je ris de voir, le long des bois, les fiancés
    Cheminer lentement, deux par deux, enlacés
    ...

  • Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
    En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser
    Dans tes cheveux impurs une triste tempête
    Sous l’incurable ennui que verse mon baiser.
     
    Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
    Planant sous les rideaux inconnus du remords,
    Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
    Toi qui sur le...

  • Veux-tu, sur les grands monts aux vertes chevelures,
    Où l’haleine des soirs balsamiques t’attend,
    Voir aux molles lueurs de Vesper hésitant,
    Des chevriers tardifs les étranges allures ;

    Et sur ces flancs ouvrés en mille dentelures
    Me dire ces vieux airs où le cœur se plaît tant,
    D’une bouche enfantine et le sein palpitant
    Comme un doux gonflement de...

  • L’âpre hiver se dissipe aux souffles printaniers,
    La barque oisive au flot se livre ;
    L’étable et l’âtre, enfin, lâchent leurs prisonniers
    Et le pré n’est plus blanc de givre.
    Sous la lune, déjà,...

  • Pareille en ton caprice aux reines d’Orient,
    Bizarre déité, qui fais en souriant
    Mourir ceux qui venaient de s’enivrer la tête
    Aux parfums de ton corps, à la brûlante fête
    Que leur donnaient tes seins d’où ruisselait l’amour :
    — Reine, malgré la mort, quand apparaît le jour,
    Malgré ta cruauté tranquille, et les mensonges
    De tes bras repliés pour...

  • Oh ! si tu pouvais, comme la sirène,
    Emporter mon cœur dans le fond des eaux,
    Dans un clair palais, où tu serais reine,
    Dans un palais clair tout rempli d’oiseaux,

    Où près des bassins faits de porcelaine,
    Pleins de nénuphars et de longs roseaux,
    Je m’endormirais en ta chère haleine,
    Sentant sur mon cœur la fraîcheur des eaux.

    Oh ! si tu pouvais...

  • Accoudé quelquefois derrière ma persienne,
    Que le soleil discret visite obliquement,
    Je regarde passer une parisienne
    Qui s’éloigne d’un leste et gai sautillement.

    Avec son air mutin, son bonnet de dentelle
    Posé sur ses cheveux comme un blanc papillon,
    Sa robe à chaque pas soulevée autour d’elle,
    Elle fuit, elle fuit, gracieux tourbillon,

    Et...

  • Quand j’ai gagné tous ces volumes,
    J’étais encor petit garçon ;
    Mais j’usais très-vite mes plumes
    Et j’apprenais bien ma leçon.

    Maintenant que mon front grisonne,
    Je ressuscite et je souris,
    Fils bien aimé, quand je te donne
    Mon trésor d’enfant, mes vieux prix.

    Ah ! bientôt tu sauras les lire !
    Bientôt tu comprendras, Victor,
    ...

  • Ami, l’enjambement te répugne, et tu veux
    Que Sara la baigneuse attache ses cheveux
    Et rentre dans les fils d’un hamac plus avare
    Son petit pied pleuré des mines de Carrare.
    Te voilà désolé si la liberté veut
    Qu’un mot sorte du vers. Jamais ton vers ne peut,
    Comme un chasseur heureux d’un hibou qu’il rapporte,
    Clouer joyeusement une idée à sa porte....