• Ce bon vieux pont, sous ses trois arches,
    En a déjà bien vu de l'eau
    Passer verte avec du galop
    Ou du rampement dans sa marche.

    Il connaît le pas, la démarche
    De l'errant qui porte un ballot,
    Du petit berger tout pâlot
    Et du mendiant patriarche.

    Au creux de ce profond pays,
    Entre ces grands bois recueillis
    Où l'ombre humide...

  • Au fil de l'eau coulant sans bruit,
    Triste et beau comme un vieux monarque,
    Perche en main, débout dans sa barque,
    Le pêcheur aspirait la nuit.

    Son extase mal contenue
    Rivait, pleins de larmes, ses yeux
    Au grand miroir mystérieux
    Où tremblait l'ombre de la nue.

    L'astre pur, à frissons follets,
    Jetait prodigue ses reflets
    A...

  • Le cabaret qui n'est pas neuf
    Est bondé des plus vieux ivrognes
    Dont rouge brique sont les trognes
    Entre les grands murs sang de boeuf.
    L'un d'entre eux, chenu comme un oeuf,
    D'une main sur la table cogne,
    Et, son verre dans l'autre, il grogne :
    " Aussi vrai que j'suis d'Châteauneuf !
    J'reste un bon coq, et l'diab' me rogne !
    Je r'prendrais...

  • Quien no ama, no vive.


    Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage,
    Si jamais vous n'avez épié le passage,
    Le soir, d'un pas léger, d'un pas mélodieux,
    D'un voile blanc qui glisse et fuit dans les ténèbres,
    Et, comme un météore au sein des nuits funèbres,
    Vous laisse dans le coeur un sillon radieux ;

    Si vous ne connaissez que...

  • J'aime un petit enfant, et je suis un vieux fou.

    - Grand-père ? - Quoi ? - Je veux m'en aller. - Aller où ?
    - Où je voudrai. - Partons. - Je veux rester, grand-père.
    - Restons. - Grand-père ? - Quoi ? - Pleuvra-t-il ? - Non, j'espère.
    - Je veux qu'il pleuve, moi. - Pourquoi ? - Pour faire un peu
    Pousser mon haricot dans mon jardin. - C'est Dieu
    Qui fait...

  • 15 décembre

    Par l'ennui chassé de ma chambre,
    J'errais le long du boulevard :
    IL faisait un temps de décembre,
    Vent froid, fine pluie et brouillard ;

    Et là je vis, spectacle étrange,
    Échappés du sombre séjour,
    Sous la bruine et dans la fange,
    Passer des spectres en plein jour.

    Pourtant c'est la nuit que les ombres,
    Par...

  • Si tristes les vieux quais bordés d'acacias !
    Pourtant, toi qui passais, tu les apprécias
    Ces vieux quais où tel beau cygne de l'eau changeante
    Entre parfois dans une âme qui s'en argente.
    Si tristes les vieux quais, les eaux pleines d'adieux,
    Inertes comme les bandeaux silencieux
    D'une morte ! les eaux sur qui pleure une cloche,
    Les immobiles eaux sur...

  • Il est une heure exquise à l'approche des soirs,
    Quand le ciel est empli de processions roses
    Qui s'en vont effeuillant des âmes et des roses
    Et balançant dans l'air des parfums d'encensoirs.

    Alors tout s'avivant sous les lueurs décrues
    Du couchant dont s'éteint peu à peu la rougeur,
    Un charme se révèle aux yeux las du songeur :
    Le charme des vieux...

  • L'âme ne frémit plus chez ce vieil instrument ;
    Son couvercle baissé lui donne un aspect sombre ;
    Relégué du salon, il sommeille dans l'ombre
    Ce misanthrope aigri de son isolement.

    Je me souviens encor des nocturnes sans nombre
    Que me jouait ma mère, et je songe, en pleurant,
    À ces soirs d'autrefois - passés dans la pénombre,
    Quand Liszt se...

  • L'hiver, les chênes lourds et vieux, les chênes tors,
    Geignant sous la tempête et projetant leurs branches
    Comme de grands bras qui veulent fuir leur corps,
    Mais que tragiquement la chair retient aux hanches,

    Semblent de maux obscurs les mornes recéleurs ;
    Car l'âme des pays du Nord, sombre et sauvage,
    Habite et clame en eux ses nocturnes douleurs
    Et...