•  

    JE regarde, et j’emplis mes yeux de ta lumière,
    Beau ciel où pas un seul nuage n’apparaît,
    Et j’éprouve un plaisir indicible et secret
    A sentir converger l’azur sous ma paupière !

    Le bleu me glisse au cœur, frais comme une rivière
    Qui, sans me déborder, toujours s’élargirait,
    Et l’immense infini que rien ne contiendrait,
    Vague à vague, s’...

  •  

    COMME un fantôme horrible au milieu d’une fête,
    Dans l’essaim triomphal de mes rêves joyeux,
    Le Mauvais Souvenir, des larmes plein les yeux,
    Est apparu, venant d’autrefois, dans ma tête.

    Tout mon être a tremblé d’angoisse et de défaite !
    Sa présence a vaincu le rire harmonieux ;
    Le Mauvais Souvenir, spectre capricieux,
    Règne en triste...

  •  

    LES nuages me font songer aux grands départs
    Pour des pays lointains, par delà les mers bleues…
    Vous voulez voyager à des milliers de lieues ?
    Fermez vos yeux d’amour : la caravelle part !

    Là, nous sommes sur l’eau qui berce. Le vent chante,
    La mer vaste a pour borne un cercle d’horizon,
    Et le ciel est sur nous comme un toit de maison.
    Rêvons...

  •  

    O POETE songeur, si triste de toi-même,
    Qui pourrait te guérir et qui pourrait t’aimer ?
    Tu portes a ton front l’ombre amère et suprême
    D’une âme que l’ennui va bientôt consumer.

    La solitude grave à ton cœur est mauvaise :
    Le pire compagnon de toi-même, c’est toi !
    O le regard aimé qui doucement apaise,
    Quand viendra-t-il poser sa caresse sur...

  •  

    NOUS avons tous au cœur des désirs retenus
    Que la plus clairvoyante amitié ne devine ;
    L’un a l’autre, à demi, nous restons inconnus ;
    Notre âme n’est pas toute ainsi qu’on l’imagine.

    Un grand secret intime existe au fond de nous,
    Sans cesse inexprimé, profond comme un mystère ;
    Même l’émotion qui nous jette à genoux
    N’arrache son énigme au...

  •  

    LA mémoire de l’homme est un salon fermé
    Où, dans leurs cadres d’or, survivent des figures :
    Le temps n’a point pâli les ressemblances pures,
    Sous la paupière brille un regard animé.

    Des portraits suspendus, quel est le plus aimé ?
    Ah ! ton cœur sent monter, depuis longtemps obscures,
    Les larmes qu’il...

  •  

    LA fleur, exquise messagère,
    En son petit cœur rose ou bleu
    Qu’embaume une senteur légère,
    Enferme l’infini d’un vœu.

    Frissonnante dans sa corolle,
    La fleur, ce vivant billet doux,
    Exhale en parfum la parole
    Dite, en tremblant, du fond de nous…

    Parfois, sous le poids chaud d’une âme,
    Meurtrie, elle se penche et meurt…
    Il...

  •  

    VOUS qui m’avez donné des yeux pour voir le ciel,
    Et des mains pour presser les mains douces que j’aime,
    Qui m’avez fait le don ; Seigneur, ô Dieu suprême,
    De lèvres pour baiser sa bouche au goût de miel ;

    Vous qui dans ma poitrine avez placé la vie
    Que rythment les profonds battements de mon cœur,
    De mon cœur plein d’ennui, de joie ou de rancœur,...

  •  

    LA lune dans l’ombre
    Semble un miroir clair
    Élevé dans l’air
    Au bout d’un bras sombre.

    Quelqu’un s’est miré
    Au miroir d’opale,
    Et le profil pâle
    Lors est demeuré.

    Et plus rien n’efface
    Au luisant miroir
    Errant par le soir,
    L’immortelle face

  •  

    PARFOIS, des livres morts les mots semblent vivants,
    Et je ne serais pas surpris, ô bons vieux maîtres,
    Si vos mots anciens, familiers ou savants,
    Avaient, pareils aux traits expressifs des enfants,
    Des tressaillements vifs aux rides de leurs lettres !

    Les mots souffrent, ayant aussi leurs passions.
    Ils tremblent de colère, ils pleurent de détresse...