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    Je t’adore, Dieu pauvre entre les Immortels,
    Et j’ai tressé pour toi ces roses purpurines,
    Parce que tu n’as point de temples ni d’autels,
    Et que nul tiède encens ne flatte tes narines.

    Nul ne te craint et nul n’implore ta bonté…
    Ceux qui t’honorent sont pauvres, car tu leur donnes,
    Ayant ouvert tes mains vides, la pauvreté ;
    Et ton souffle...

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    Ça monte et c’est lourd — Allons, Hue !
    — Frères de renfort, votre main ?…
    C’est trop !… et je fais le gamin ;
    C’est mon Calvaire cette rue !

    Depuis Notre-Dame-Lorette…
    — Allons ! la Cayenne est au bout,
    Frère ! du cœur ! encor un coup !…
    — Mais mon âme est dans la charrette :

    Corbillard dur à fendre l’âme.
    Vers en bas l’...

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    « Ça vous surprend que j’fume, et que j’prise, et que j’chique ?
    Vous vous dit’ que pour moi qu’a besoin d’épargner
    C’est un’ trop gross’ dépense et qu’ça doit me ruiner ?
    Mais, j’fais du mêm’ tabac trois usag’ tabagiques.

    Mon bout d’carotte, es’ pas ? j’ai fini de l’mâcher,
    I...

  • Mère ! faut-il donner quand le pauvre est bien laid ?
    Qu’il ne fait pas sa barbe et qu’elle est toute noire,
         Et qu’il ne dit pas s’il vous plaît !
    Faut-il donner ?
                — Enfant ! tu n’as pas de mémoire :
    Le pauvre qui demande est l’envoyé de Dieu ;
    Qu’importe s’il a fait sa barbe et sa parure ;
    Il est beau du malheur écrit sur sa figure,...

  • Ta guenille nocture étalant par ses trous
    Les rousseurs de tes poils et de ta peau, je l’aime
    Vieux spectre, et c’est pourquoi je te jette vingt sous.

    Ton front servile et bas n’a pas la fierté blême :
    Tu comprends que le pauvre est le frère du chien
    Et ne vas pas drapant ta lésine en poème.

    Comme un chacal sortant de sa pierre, ô chrétien
    Tu rampes...

  • Je sais que tu es pauvre :
    tes robes sont modestes.
    Mine douce, il me reste
    ma douleur : je te l’offre.

    Mais tu es plus jolie
    que les autres, ta bouche
    sent bon — quand tu me touches
    la main, j’ai la folie.

    Tu es pauvre, et à cause
    de cela tu es bonne ;
    tu veux que je te donne
    des baisers et des roses.

    Car tu es jeune...

  • Il n’avait qu’un habit vert,
    Un mince habit tout en loques,
    Et ses dents claquaient l’hiver,
    Comme un pendant de breloques.

    Loin des boulevards sablés
    Il traînait par la ruelle
    Ses vieux souliers éculés
    Et sa pensée immortelle.

    On l’a vu passer souvent
    Souriant d’un air étrange,
    Inspiré, cheveux au vent,
    Bohémien à face d’ange...

  • Prends le sac, Mendiant. Longtemps tu cajolas
    — Ce vice te manquait — le songe d’être avare ?
    N’enfouis pas ton or pour qu’il te sonne un glas.

    Évoque de l’Enfer un péché plus bizarre.
    Tu peux ensanglanter les sales horizons
    Par une aile de Rêve, ô mauvaise fanfare !

    Au treillis apaisant les barreaux de prisons,
    Sur l’azur enfantin d’une chère...

  • Les aspects sont divers de cette morne auberge
    Qu’on nomme l’hôpital. Le vice et la vertu
    Y souffrent à la fois. On met mourir la vierge
    Au lit que, pour mourir, une impure avait eu.

    Martyrs et châtiés sont sur la même ligne,
    Et la fatalité heurte le dévoûment.
    On n’a dans le dortoir qu’un numéro pour signe ;
    L’indifférence à tous fait froid également...

  • Moi je ne suis qu’un pauvre sacristain
    qui trouve déjà trop grand son village,
    et, dans son clocher, vit ciel et nuages
    à sonner sa cloche et regarder loin

    l’hiver et l’été qu’ont les paysages,
    Passer les vaisseaux quand c’est le matin,
    et s’aller en foi, au long des chemins,
    les gens de chez moi en...