• Je m’ignorais encor, je n’avais pas aimé.
    L’amour ! si ce n’est toi, qui pouvait me l’apprendre ?
    À quinze ans, j’entrevis un enfant désarmé ;
    Il me parut plus folâtre que tendre :
        D’un trait sans force il effleura mon cœur ;
        Il fut léger comme un riant mensonge ;
    Il offrait le plaisir, sans parler de bonheur ;
        Il s’envola. Je ne perdis qu...

  • Je me demande encor — cette tête que j’ai !
    Où, comme débuta, — bien sür quelque soir gai —
    Cette liaison qui m’a fait ton esclave ivre.
    Tu ne t’en souviens plus non plus. Rayons du livre
    De Mémoire ce jour des jours, ou plutôt non,
    Il ne sera pas dit, ou j’y perdrai mon nom,
    Que je n’aurai pas fait au moins le nécessaire
    Pour retrouver un peu de cet...

  • De ces terrasses où, le soir, il flotte encor
    Sur la terre assombrie un dernier voile d'or,
    Nous regardons, tous deux, longuement, en silence,
    Le monde qui s'efface et l'azur qui s'endort.

    Il se tient près de moi. Ses grandes ailes blanches
    Sont closes. Il songe ; et nul ne sait à quoi songent
    Les Anges. Tendrement, près de lui je me penche
    Sur l'...

  • Tu sommeilles ; je vois tes yeux sourire encor.
    Ta gorge, ainsi deux beaux ramiers prennent l'essor,
    Se soulève et s'abaisse au gré de ton haleine.
    Tu t'abandonnes, lasse et nue et tout en fleur,
    Et ta chair amoureuse est rose de chaleur.
    Ta main droite sur toi se coule au creux de l'aine,
    Et l'autre sur mon coeur crispe ses doigts nerveux.
    Ce...

  • Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine ;
    Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli ;
    Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine
    De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ;

    Puisqu'il me fut donné de t'entendre me dire
    Les mots où se répand le coeur mystérieux ;
    Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire
    Ta bouche sur ma bouche...

  • Que nous sommes encor heureux et fiers de vivre
    Quand le moindre rayon entr'aperçu là-haut
    Illumine un instant les pauvres fleurs de givre
    Que le gel dur et fin grava sur nos carreaux.

    L'élan bondit en nous et l'espoir nous emporte,
    Et notre vieux jardin nous apparaît encor
    Malgré ses longs chemins jonchés de branches mortes
    Vivant et pur et clair et...

  • Sois-nous propice et consolante encor, lumière,
    Pâle clarté d'hiver qui baignera nos fronts,
    Quand, tous les deux, l'après-midi, nous nous rendrons
    Respirer au jardin une tiédeur dernière.

    Nous t'aimâmes, jadis, avec un tel orgueil,
    Avec un tel amour bondissant de notre âme
    Qu'une suprême et douce et bienveillante flamme
    Nous est due à cette heure...