• Claire est la nuit, limpide est l’onde ;
    Les astres, faisant leur miroir
    De la nappe large et profonde,
    Y sont encor plus doux à voir.

    Un bois entr’ouvre sur la rive
    Des clairières pour les élus ;
    Trop tôt quelque laideur arrive.
    O les rameurs, ne ramez plus.

    Le ciel verse la somnolence,
    La terre la boit à longs traits ;
    La brise...

  • Échanson, couronne mon verre
    De fleurs aux aromes divers.
    Boire en silence est trop sévère ;
    Prends ta lyre et dis-moi des vers.

    Vertige et cadence ! J’adore
    Les parfums dans la coupe d’or.
    Lorsque résonne ta mandore,
    Un rêve plus moelleux m’endort.

    En ce monde tout est futile,
    Quoi que l’on dise de subtil,
    Hors la coupe d’or qui...

  • Je suis étendu dans la boue,
    Incapable de faire un pas ;
    Il viendrait la plus lourde roue
    Que je ne me bougerais pas.

    Contre un poteau mon front s’appuie ;
    En haut un homme est empalé.
    Mordant mes haillons, une truie
    Pousse un grognement désolé.

    De l’eau tombe, froide et gluante,
    D’un ciel noir comme le remords ;
    Une vermine...

  • Dans la rade de Brest le navire est à l’ancre.
    La nuit tombe ; le flot clapote, couleur d’encre ;
    Les astres rarement percent un ciel couvert.
    Courant en longs serpents sur l’onde qui vacille,
    Deux fanaux, sur le flanc du navire immobile,
    Luisent, l’un rouge, l’autre vert.

    ...
  • Les aspects sont divers de cette morne auberge
    Qu’on nomme l’hôpital. Le vice et la vertu
    Y souffrent à la fois. On met mourir la vierge
    Au lit que, pour mourir, une impure avait eu.

    Martyrs et châtiés sont sur la même ligne,
    Et la fatalité heurte le dévoûment.
    On n’a dans le dortoir qu’un numéro pour signe ;
    L’indifférence à tous fait froid également...

  • PRÈS de moi se tenait une femme si douce
    Que moins doux est un nid fait de plume et de mousse.
    Le sourire dormait sur sa lèvre. Ses mains
    Caressantes avaient des senteurs de jasmins.
    Ses bras parlaient d’étreinte et de bonheur dans l’ombre.
    Elle était pâle, avec la chevelure sombre.
    Ni mouvement ni souffle. Un charme plein d’effroi
    Tombait de son...

  • LE CHŒUR DES MAGES

    Veillons, sans bouger, sur la tour énorme
    Où meurt le désir d’un monde troublé.
    Des signes du ciel l’avenir se forme ;
    Fixons nos regards au ciel étoilé.

    LA VOIX DE LA TERRE

    Toujours suivre dans l’espace
    Les chemins où l’astre passe,
    Cela doit vous épuiser.
    Dans le ciel qui vous submerge,
    Mourrez-vous loin de...

  • DANS le pays où vont les rêves,
    Dans le pays où, sur les grèves,
    S’échevèlent les cocotiers,
    Où le soleil d’Océanie
    Verse, de son urne infinie,
    Des flammes sur tous les sentiers ;

    Où le caméléon qui change,
    Examine, d’un œil étrange,
    Le singe que son bras suspend ;
    Où la liane immense et souple,
    Autour des arbres qu’elle accouple,...

  • QUAND la vieille grand’ mère à la tête ridée
    Fut morte, et qu’on l’eût mise en son cercueil de bois,
    L’enfant dans son cerveau ne roula qu’une idée :
    Retrouver celle dont il aimait tant la voix.

    Il n’avait jusque-là versé que peu de larmes,
    Et pour des riens, pour du pain sec à son repas,
    Pour le vent qui soufflait avec de grands vacarmes,
    Pour l’...

  • Le golfe s’argentait sous les rayons nocturnes ;
    Colosses de granit penchés en forme d’urnes,
          Les rochers versaient l’ombre autour.
    Dans les grottes, le flot, poursuivant comme un songe,
    Rendait le bruit divin du soupir qu’on prolonge ;...