• Au mois d’avril, la Terre est rose
    Comme la jeunesse et l’amour ;
    Pucelle encore, à peine elle ose
    Payer le Printemps de retour.

    Au mois de juin, déjà plus pâle
    Et le cœur de désir troublé,
    Avec l’Eté tout brun de hâle
    Elle se cache dans le blé.

    Au mois d’août, bacchante enivrée,
    Elle offre à l’Automne son sein,
    Et, roulant sur la...

  •  
    Dans l’Atlas, — je ne sais si cette histoire est vraie, —
    Il existe, dit-on, de vastes blocs de craie,
    Mornes escarpements par le soleil brûlés ;
    Sur leurs flancs, les ravins font des plis de suaire ;
    À leur base s’étend un immense ossuaire
    De carcasses à jour et de crânes pelés.

    Car le lion rusé, pour attirer le pâtre,
    Le Kabyle perdu dans ce...

  •  

    Tout beau, fauve grondeur, demeure dans ton antre,
    Il n’est pas temps encor ; couche-toi sur le ventre ;
    De ta queue aux crins roux flagelle-toi les flancs,
    Comme un sphinx accroupi dans les sables brûlants,
    Sur l’oreiller velu de tes pattes croisées
    Pose ton mufle énorme, aux babines froncées ;
    Dors et prends patience, ô lion du désert ;
    ...

  • Le soleil dit à la lune :
    « Que fais-tu sur l’horizon ?
    Il est bien tard, à la brune,
    Pour sortir de sa maison.

    « L’honnête femme, à cette heure,
    Défile son chapelet,
    Couche son enfant qui pleure,
    Et met la barre au volet.

    « Le follet court sur la dune ;
    Gitanas, chauves-souris,
    Rôdent en cherchant fortune ;
    Noirs ou blancs,...

  • Au Luxembourg souvent, lorsque dans les allées
    Gazouillaient des moineaux les joyeuses volées,
    Qu’aux baisers d’un vent doux, sous les abîmes bleus
    D’un ciel tiède et riant, les orangers frileux
    Hasardaient leurs rameaux parfumés, et qu’en gerbes
    Les fleurs pendaient du front des marronniers superbes,
    Toute petite fille, elle allait du beau temps
    À...

  •  

    J’entrai dernièrement dans une vieille église ;
    La nef était déserte, et sur la dalle grise,
    Les feux du soir, passant par les vitraux dorés,
    Voltigeaient et dansaient, ardemment colorés.
    Comme je m’en allais, visitant les chapelles,
    Avec tous leurs festons et toutes leurs dentelles,
    Dans un coin du jubé j’aperçus un tableau
    Représentant un...

  • Sur les tuiles où se hasarde
    Le chat guettant l’oiseau qui boit,
    De mon balcon une mansarde
    Entre deux tuyaux s’aperçoit.

    Pour la parer d’un faux bien-être,
    Si je mentais comme un auteur,
    Je pourrais faire à sa fenêtre
    Un cadre de pois de senteur,

    Et vous y montrer Rigolette
    Riant à son petit miroir,
    Dont le tain rayé ne reflète...

  •                C’est un marais dont l’eau dormante
                   Croupit, couverte d’une mante
                   Par les nénuphars et les joncs :
                   Chaque bruit sous leurs nappes glauques
                   Fait au chœur des grenouilles rauques
                   Exécuter mille plongeons ;

                   La bécassine noire et grise
                   ...

  • …meae puellae
    Flendo turgiduli rubent ocelli.
    V. CATULLUS.

    Ne pleure pas…
    DOVALLE.

    De tes longs cils de jais que ta main blanche essuie,
    Comme des gouttes d’eau d’un arbre après la pluie,
    Ou comme la rosée, au point du jour, des fleurs
    Qu’un pied inattentif froisse, j’ai vu des pleurs
    Tomber...

  • Sur l’eau bleue et profonde
    Nous allons voyageant,
    Environnant le monde
    D’un sillage d’argent,
    Des îles de la Sonde,
    De l’Inde au ciel brûlé,
    Jusqu’au pôle gelé...

    Les petites étoiles
    Montrent de leur doigt d’or
    De quel côté les voiles
    Doivent prendre l’essor ;
    Sur nos ailes de toiles,
    Comme de blancs oiseaux,
    Nous...